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ANALYSESkrohn. — Die Platonische Staat.

mourant Théophraste, celui-là proteste contre le tragique dénouement du drame humain, qui, comme lui, se sent capable d’aller plus avant à la poursuite du vrai et du bien[1]. Ne touchons point avec légèreté à ce dogme moral ; la poésie y perdrait ses plus sublimes accents. Les âmes stoïques, qui ont sondé le néant du moi conscient, sauront distinguer la lettre et l’esprit, et chercheront dans l’amertume de leurs pensées sur la fin nécessaire des êtres finis l’enchantement de la foi naïve, pour elles perdue sans retour. Mais la foule des déshérités de la vie continuera de croire, avec raison, espérera en une Justice réparatrice qui ne demande au Dieu bon que le bouleversement de l’univers : le salut moral pour elle est à ce prix, et aussi l’action personnelle, libre, féconde, parce qu’elle est confiante, présomptueuse. Il faut un coin de ciel et d’infini même aux plus forts : M. Hermann est forcé de le reconnaître. Chacun du reste a le droit d’entendre le mystère selon les besoins de sa nature morale, avec sa raison ou avec son imagination : les cœurs religieux ont le devoir, pour le progrès de la moralité, de défendre et de symboliser cette croyance nécessaire, comme d’autres peuvent la rejeter. Les premiers ont choisi la meilleure part.

M. Hermann n’a point fait une œuvre inutile. Nous sommes loin d’approuver sa méthode, de partager ses idées en psychologie et en métaphysique, d’adopter ses conclusions : et pourtant son essai nous a intéressé. Ces éternelles questions ne sont-elles pas l’aiguillon divin de l’humaine pensée, malheureusement aussi son tourment ?

A. Debon.

A. Krohn : Der Platonische Staat (la République de Platon). Richard Mühlmann, à Halle, 1 vol. in-8, 1876.

M. Krohn a entrepris depuis longtemps une étude des principes de l’État ancien et de l’État moderne. Sur cette grave question, son opinion est formée déjà, nous dit-il ; et cela depuis une dizaine d’années. Mais avant de livrer ses idées au public, il veut les soumettre à des épreuves répétées : il ne les présentera qu’une fois appuyées sur de fortes preuves historiques.

M. Krohn s’est ainsi trouvé conduit à examiner les écrits politiques de l’école de Socrate. À la suite de cette étude, il a cru devoir rejeter toutes les idées reçues touchant l’authenticité et le mode de composition de ces ouvrages. C’est une difficile tâche : mais ce qu’elle a de téméraire paraît séduire par-dessus tout M. Krohn.

Déjà, dans un écrit intitulé : Socrate et Xénophon, ce critique avait exposé une théorie toute neuve sur l’origine des Mémorables. Il mettait d’abord en fait que l’Apologie de Socrate, vulgairement attribuée à Xénophon, n’est pas de cet auteur. Toutefois, Xénophon aurait écrit

  1. Cic, Tuscul. quœst., III, 28.