Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, LXIV.djvu/195

Cette page n’a pas encore été corrigée
193
ANALYSES. — kropotkine. L’entr’aide


loups, les lions s’associent pour la chasse (p. 22 et 43), mais les pélicans s’unissent pour obtenir à la pèche un résultat analogue à celui de certains filets de pécheurs dont le cercle se rétrécit progressivement jusqu’à amener le poisson sur le rivage (p. 25). Il n’est presque pas d’animaux vivant isolément ; la vie sociale entraîne la compassion (p. 64j et même un « certain sens de la justice collective » qui va parfois jusqu’au respect de ce que nous appellerions la propriété privée (celle des nids, des places de pâturage, p. 62). Les exemples de coopération, de solidarité, de sociabilité animales abondent, et l’auteur n’eût eu qu’à emprunter à M. Espinas (Les sociétés animales) quelques vues d’ensemble pour corroborer ses conclusions sur l’entr’aide, fait naturel d’où sortent les faits de solidarité humaine.

Dans l’espèce humaine, on peut considérer successivement les sauvages, les barbares, les sociétés du moyen âge et les sociétés actuelles pour montrer comment non seulement l’assistance mutuelle est la règle générale, mais de plus l’entr’aide est un fait contre lequel la tyrannie de l’État ou les autres obstacles sociaux ne sauraient prévaloir (p. 122 et 240). Aussi haut que la paléontologie nous permette de remonter dans l’histoire de l’homme, dès la première époque post-glaciaire, nous trouvons des symptômes de la vie en commun (amas de coquilles utiles ou d’instruments, p. 87-89). Les clans primitifs avec « mariage communal > i p. 93) se retrouvent chez les sauvages contemporains dont les vertus sociales, la bienfaisance à l’égard de leurs semblables font l’admiration des explorateurs (p. 97). Le communisme subsiste chez les Esquimaux (p. lOo). L’auteur explique même certaines mœurs cannibales et des meurtres que justifie presque la pitié humaine. Lorsqu’au clan primitif a succédé la « commune villageoise » (p. 131 ;, que l’on rencontre encore chez les Scandinaves, les Finnois, les Mongols, les Kabyles, les Malais, la propriété privée tend à s’établir, mais sans s’étendre au sol (p. 136). La communauté possède le fond ; elle est organisée de façon à se suffire à elle-même {mir = universitas = monde complet, p. 137) grâce à l’entraide, jamais sollicitée en vain. Les fêtes, les repas en commun, les grandes chasses annuelles [nba sibérienne) accroissent la solidarité (p. 139-153). L’aide et la protection mutuelle s’étendent au delà des limites de la communauté ; les tribus arabes forment ainsi le Çof {p. 138), elles respectent les lieux et les choses anaya même quand elles ont l’habitude de se piller les unes les autres. L’organisation communale a permis les institutions judiciaires et l’exercice du pouvoir législatif (p. 1*3 et 171). Elle a eu au moyen âge son prolongement direct dans les Gui/des, les associations fraternelles de commerçants, d’industriels, les corporations, les unions de cités pour des fins pacifiques (p. 180-22i). La cité du moyen âge pourvoit aux besoins de tous, organise l’assistance des pauvres et des malades (p. 197) comme une grande société de secours mutuels. T0.ME LXIV. — 1907. 13