Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
revue philosophique

toute sorte dont les sociétés humaines sont le théâtre ? L’homme, en fait, ne vivant jamais qu’à l’état social, tout ce qui le concerne, tout ce qui de près ou de loin a rapport à lui relèvera indirectement de la sociologie !

Au lieu d’assigner ainsi pour objet à cette science toute la matière de la vie sociale, laquelle est, pour ainsi dire, infinie, ne serait-il pas à la fois plus exact et plus utile de lui donner pour objet essentiel la forme même de la vie sociale, c’est-à-dire l’organisation des sociétés, leurs divers modes de structure, leur but, les lois de leur formation et de leur développement, les causes de leur grandeur et de leur dissolution ? Certes, il serait puéril de reprocher à M. Spencer de ne pas penser et écrire sur ce point dans le goût d’Aristote, puisque Aristote professait que, pour connaître les choses, il faut aller à leur essence même, c’est-à-dire lâcher de les saisir dans leur perfection et leur plein achèvement, tandis que, par nature, la doctrine de l’évolution s’attache de préférence à l’obscur devenir, aux périodes indécises où le contour des choses est le moins arrêté. Il.nous semble cependant que M. Spencer ne peut manquer de reconnaître la nécessité d’unir ces deux tendances, de se placer tour à tour aux deux points de vue. Ce serait là encore une synthèse tout-à-fait digne de ce vaste esprit. Nous ne regardons que comme de simples préliminaires les chapitres que nous venons d’analyser ; la sociologie proprement dite commencera avec les chapitres suivants, qui doivent traiter de l’organisation domestique, politique, religieuse, industrielle… etc. — Ils seront attendus avec une vive impatience. On sait d’avance que l’auteur y abordera les questions avant tout en naturaliste, qu’il s’efforcera de faire l’anatomie, la physiologie et, autant que possible, l’embryogénie de ces vastes « organismes », les sociétés : nulle tentative ne saurait offrir plus d’intérêt. Seulement il lui sera bien difficile de rester jusqu’au bout aussi dégagé qu’il veut le paraître, de toute conception des fins sociales et de tout idéal rationnel.

L’évolution ne peut être connue et mesurée que par rapport à un point de repère. S’il est très-vrai que la constitution et les fonctions de l’organisme adulte sont mieux comprises par l’étude de l’embryon, il n’est pas moins certain que ce qui nous explique l’embryon, c’est l’adulte.

Henri Marion.

M. Th. Funck Brentano. — La civilisation et ses lois. Morale sociale, 1 vol. in-8o. Pion. Paris.

M. Funck-Brentano s’est proposé de rechercher les lois qui président au développement des institutions politiques, des croyances religieuses et des sciences, des arts et des lettres, du travail et des richesses, enfin de la puissance militaire chez les nations. S’il est vrai