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ANALYSESh. spencer. — Principes de Sociologie.

de l’homme ; son intelligence et son énergie grandissent par l’exercice et par la lutte.

Il est inutile, après ce qui précède, d’insister sur l’influence de la flore et de la faune.


L’abondance et la variété des végétaux ont pour effet l’accroissement de la population, la division du travail, la diversité des inventions. Toutefois une végétation luxuriante est un obstacle au progrès, si, par sa nature, elle ne fournit que des plantes inutiles ou nuisibles.

De même pour les animaux : ils constituent une précieuse ressource ; mais il n’est pas moins vrai que l’extrême abondance du gibier nuit au progrès en entretenant la vie errante et indisciplinée, en retardant l’apparition de l’agriculture, sans laquelle il n’y a ni vie régulière, ni accroissement de la population, ni développement industriel. Que dire des animaux nuisibles ? l’auteur nous cite des villages entiers dépeuplés par les tigres, des peuplades forcées de retourner à la barbarie et à la vie nomade, faute de pouvoir défendre leurs récoltes contre les bêtes sauvages. Il rappelle que dans l’Inde 23, 000 personnes périssent chaque année de la morsure dès serpents, sans parler des dégâts de toutes sortes dus aux insectes, aux sauterelles par exemple, et aux termites, lesquels, selon Humboldt, « suffiraient à empêcher toute civilisation avancée dans certaines régions, où ils détruisent toute espèce de documents. »

Voilà les principaux facteurs extrinsèques de l’évolution sociale. Mais combien d’autres ne faudrait-il pas énumérer, si on voulait descendre au détail ! Du plus ou moins de lumière, par exemple, dépend et le genre de vie, et en partie l’humeur d’une population. Dans telle contrée la vie au grand air est de nécessité, dans telle autre la vie d’intérieur. Le voisinage des volcans détermine le type de l’architecture et influe indirectement sur la culture esthétique. Là où les métaux manquent, comment sortir de l’âge de la pierre ? Il n’est pas jusqu’à là présence de sources chaudes qui n’ait son importance, car elle a contribué dans l’Amérique centrale à l’invention de la poterie. Mais ce serait l’affaire de la Sociologie spéciale, de tenir compte de ces facteurs minimes et innombrables. On devra n’oublier, s’il est possible, aucune de ces actions locales, quand on essaiera de retracer, à la lumière des principes généraux de la science sociale, l’évolution particulière de telle ou telle société ; mais « il faut laisser une pareille entreprise aux sociologistes de l’avenir. »

Nous avons insisté à dessein sur cette énumération des facteurs extrinsèques de l’évolution sociale ; non qu’elle offre une importance particulière, mais parce qu’elle est nette, rapide, fort bien à sa place, et que, surtout, elle nous montre au vif la méthode de M. Spencer. Plus loin, l’auteur déploie plus d’audace et de subtilité ; mais par cela même, il est parfois difficile de le suivre : souvent on ne voit pas bien comment tel développement, excellent et instructif en lui-même, peut contribuer à dégager les « principes » de la science sociale ; ailleurs, une