Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/662

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
652
revue philosophique

l’auteur appelle le jet spontané ; découverte capitale dont l’honneur lui revient tout entier. M. Simonin, en se regardant rêver, a observé le premier, paraît-il, que l’âme n’est jamais vide d’idées, qu’il y a continuellement en elle un mouvement d’images, de souvenirs, de notions, qui est, en quelque sorte, sa respiration. C’est là le jet spontané on jet bio-psychique immanent : on lui doit, par la réminiscence, des millions de reflets des choses, et en outre les notions essentielles qui sont en nombre infini : c’est lui qui explique les idées mathématiques, la croyance en Dieu, en l’immortalité, etc. L’auteur l’affirme : on doit l’en croire. La troisième « tangente » est dans la constatation, déjà faite à propos de la seconde, que nous rêvons toujours en dormant : le sommeil n’est que la suspension de l’activité des facultés, des sens de l’âme, sens qui sont au nombre de 5 : celui de l’intelligence comprenant la volition, la réflexion, la conception, etc. ; celui de la conscience, comprenant l’équité, la justice, la probité, la sincérité ; celui de la sympathie (amour, amitié, etc.) ; celui de la théodicée ; enfin celui de la dignité personnelle qui comprend l’utile, le beau et le bien en même temps que l’indépendance et l’émulation. Telles sont les grandes lois psychiques qui serviront à faire i inscrire la psychologie dans le registre des sciences exactes. »

L’ouvrage de M. Siérebois a plus de valeur : l’auteur n’assemble pas les faits au hasard : il essaie de les expliquer en partant de ce principe que toute réalité doit nécessairement occuper une place dans une partie déterminée de l’espace et du temps. Par suite, les idées dont l’âme est la somme et l’harmonie, ne sauraient être pour la psychologie « réaliste » que des molécules cérébrales très-mobiles, extrêmement ténues, que personne n’a jamais vues ni ne verra, et dont l’expérience est incapable de montrer la réalité, aussi bien que la fausseté. « Croire sans avoir vu, dit M. Siérebois, n’est-il pas la chose la plus contraire à l’esprit scientifique ? sans doute, cela n’est pas scientifique ; mais comment voudrait-on qu’on appliquât la méthode scientifique à l’explication de la pensée, qui n’est jamais entrée dans le domaine de la science. » Ainsi les molécules idéelles ne sont qu’une hypothèse, mais une hypothèse qui explique l’âme toute entière avec une merveilleuse simplicité, pourvu qu’on accorde au cerveau « la propriété singulière de se fragmenter en parcelles très-ténues, qui contractent facilement des ressemblances de forme et de matière avec tous les objets du dehors, » et à ces molécules elles-mêmes le pouvoir de courir dans tous les sens à travers le cerveau. Dès lors, plus de difficulté : la sensation, c’est la molécule subissant l’empreinte de l’objet extérieur ; l’idée, c’est cette molécule détachée de la masse cérébrale ; l’idée générale, c’est la molécule idéelle douée d’un mouvement de rotation, peut-être même d’un simple tremblement, ou bien encore entourée d’une espèce de nuage. L’idée abstraite, de blancheur par exemple, résulte du rapprochement des molécules idéelles : poule blanche, plume blanche, etc., rapprochement qui affecte vivement la sensibilité d’une