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liberté peut donc parfaitement se concilier avec le calcul des probabilités : d’abord parce que ce calcul n’est qu’approximatif, et qu’ainsi certains faits, si peu nombreux qu’on le voudra, lui échappent ; ensuite, parce que la détermination du collectif n’est pas celle du particulier ; en troisième lieu, parce que la liberté, s’exerçant dans le domaine du possible, il est naturel que la loi du probable lui soit applicable : on est même en droit de dire que cette application si légitime est plutôt favorable que contraire au libre arbitre.


X

La volonté et le vertige.

Pas plus au nom des lois mathématiques du probable qu’au nom du principe logique de causalité, rien n’est prouvé ni pour ni contre la volonté libre. C’est déjà beaucoup, assurément, que d’avoir repoussé tant d’attaques ; mais il ne suffit pas de se tenir sur la défensive ; il faut, pour le bien, établir que la liberté est sinon démontrable, du moins vraisemblable, et qu’à défaut de solution « apodictique, » nous pouvons et devons l’admettre tout au moins à titre de postulat légitime.


Laissons les abstractions et consultons la réalité, surtout la réalité humaine. Un premier fait doit d’abord nous frapper, c’est que la vie, la production des faits de conscience les plus élémentaires, les modifications passionnelles et les mouvements des animaux paraissent manifester une spontanéité qui est loin d’exclure toute loi, qui est au contraire une loi donnée sous certaines conditions réunies, et qui cependant est spontanéité, puisqu’il n’y a pas là de productions réalisées mécaniquement ou par une juxtaposition d’éléments extérieurs[1]. Cette activité spontanée n’est pas encore ce que nous cherchons : « mais, quand aux autres représentations de conscience se joint celle d’appeler, suspendre, ou bannir ces mêmes représentations ; quand le pouvoir qui résulte de la généralisation de ce phénomène paraît établi, grâce à des faits d’attention, d’abstraction systématique, de réflexion soutenue et variée, dont l’ensemble est une véritable analyse automotive ; quand l’indépendance de la représentation appelante, suspensive ou bannissante trouve une confir-

  1. Psychologie, I, 298.