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de rendre à la science ce service signalé, à quoi bon disserter plus longtemps sur la méthode ? qu’il se hâte de nous livrer des solutions. Alors nous serons un peu plus disposé à le suivre au delà de la psychologie, dans ces régions de la métaphysique où l’on ne saurait s’avancer avec trop de prudence, que ce soit pour mieux voir les entités qui les peuplent ou pour les en chasser.


Auguste Comte. Lettres a John Stuart Mill (1841-1846). Paris, Ernest Leroux ; in-8o, X-462 p.

Dans son livre sur Auguste Comte et la philosophie positive, M. Littré avait déjà publié une partie de cette correspondance qui, pour la première fois, est présentée tout entière au public. Elle se compose de 45 lettres, dont la première est datée du 20 novembre 1841 et la dernière du 3 septembre 1846. L’intérêt qu’elle offre n’est pas d’un ordre purement philosophique. Elle appartient, en effet, à la période la plus agitée de la vie d’Auguste Comte. Son procès avec son éditeur, la perte de sa place à l’École polytechnique, les besoins d’argent qui s’en suivirent, sa séparation avec sa femme, sont des sujets dont il parle aussi souvent que de sa philosophie ou de sa politique. Elle est donc très-propre à faire connaître sa vie intime durant ces six années.

On voit que, dès cette époque, au moment de publier le sixième volume de son Cours de philosophie positive, il avait inauguré son régime « d’hygiène cérébral », qui consistait à « s’abstenir scrupuleusement de toute lecture de journaux quelconques, même mensuels ou trimestriels. » Je ne vois guère qu’une seule infraction importante qu’il fit à ce régime ; ce fut en faveur de Stuart Mill, pour lire son System of Logic. La quatorzième lettre (p. 133 et suiv.) qui contient le jugement de Comte sur cet ouvrage nous a paru l’une des plus curieuses du recueil. Si nous avons bien compris, il n’est qu’à demi satisfait. Ce livre lui apparaît « comme constituant une heureuse transition décisive de l’esprit métaphysique le moins arriéré au véritable esprit positif. » C’est « un service passager, mais capital, rendu à la grande évolution moderne. » Il faut cependant reconnaître qu’il a très-bien reconnu l’immense mérite d’une des parties les plus neuves du Système de Logique, comme on peut le voir par l’extrait qui suit : « Mais, outre la transition précieuse que vous avez si profondement organisée, cette composition réellement systématique contient à beaucoup d’égards d’importants chapitres dogmatiques dont l’utilité impérissable ne sera pas bornée à cet important passage. Telle est surtout votre admirable appréciation, aussi nette que profonde, des quatre modes généraux de l’induction élémentaire ; j’ai même encore davantage admiré l’irrésistible exposition par laquelle vous l’avez complétée, en conduisant le lecteur