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ANALYSESardigò. — La Psicologia.

aux psychologues de se tirer de cette impasse ; ces antécédents existent ; il suffirait de les chercher. Tout dépend des associations d’idées fondamentales qui président à la méthode. Le vulgaire se borne la plupart du temps à la constatation des faits, ou s’il les examine, c’est en eux-mêmes, en dehors de toute relation avec les faits antérieurs ou simultanés. L’idée d’une cause vient-elle à se présenter, comme on ne peut la trouver dans le fait même, on a recours à l’imagination ; celle-ci enfante des entités vides, qui ne sont le plus souvent que la question même élevée à la hauteur d’une solution. La vertu dormitive et la vertu purgative de notre Molière rentrent dans cette catégorie de solutions apparentes et de causes fictives. Ce n’est que dans un état ultérieur de la culture intellectuelle que s’établissent les associations d’idées vraiment scientifiques, celles qui dirigent l’esprit vers la recherche des causes réelles, le plus souvent assez distantes du fait. On a pu contempler l’éclair en lui-même bien longtemps avant de soupçonner qu’il avait d’autres causes que la volonté de quelque génie. Ce sont des faits en apparence fort différents, l’attraction de petits corps par la cire frottée contre la laine, l’étincelle produite par le disque de verre de la machine électrique, etc., qui ont fourni à des esprits mieux orientés l’explication désirée. Ainsi de la conscience. Cherche-t-on d’où vient l’idée de l’être ? La linguistique répond en découvrant la nature métaphorique de cette idée. Cherche-t-on la cause de l’illusion du relief ? la physique physiologique répond par la théorie du stéréoscope. Veut-on savoir si les actes psychiques se passent dans le temps ? La physiologie détermine avec précision la durée de quelques-uns d’entre eux. Voilà des résultats positifs que les méditations les plus profondes sur les données immédiates de la conscience n’auraient pas laissé soupçonner ; car expliquer un fait, c’est le rattacher aux faits de même ordre soit antécédents, soit simultanés.

De tels procédés sont bien indirects ? — C’est pour cela qu’ils ont chance de réussir et réussissent en effet. Les phénomènes extérieurs, particulièrement le langage et les mouvements d’expression, sont comme le prisme à travers lequel la lumière blanche vient décomposer ses rayons. Que si on soutient que les mouvements d’expression et la voix n’ont rien de commun avec les phénomènes internes qu’ils traduisent au-dehors, comment se fait-il que ces mêmes actes physiques servent de lien aux membres de la société et suffisent à établir entre eux un commerce régulier ? D’ailleurs la psychologie a beau prétendre puiser ses solutions au plus profond du moi, c’est toujours en définitive par des mots qu’elle exprime ces solutions, en sorte que si les mots sont d’infidèles interprètes, la voilà condamnée à rester tout entière enfermée dans les consciences. Ainsi donc, les actes extérieurs de l’homme sont la vraie expression de ses idées ; c’est par l’extérieur que la conscience peut être pénétrée.

C’est encore par l’étude de ses manifestations variées et successives, c’est-à-dire de sa croissance, qu’on découvrira sa véritable nature,