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vie : « l’adaptation continue des relations internes aux relations externes. » (Life is the continuous adjustment of internal relations to external relations). Mais cette définition laisse toujours inexpliqué le fait de cette adaptation, c’est-à-dire la vie elle-même. Il est à peine besoin de rappeler que la philosophie de l’Inconscient fait sortir la vie de l’action combinée de deux éléments bien distincts, un facteur matériel, à savoir certaines combinaisons d’atomes, et un facteur psychique, l’intervention de l’Inconscient lui-même.

Si nous interrogeons enfin les darwiniens sur la nature et l’origine des éléments du monde, des atomes en un mot, nous reconnaissons sans peine que, sauf un matérialiste entêté comme Büchner, qui fait de la force et de la matière deux éléments également nécessaires et indestructibles de l’univers, tous les philosophes et les savants sérieux, Wundt comme Lotze, Ulrici et le second Fichte comme Hartmann, les théistes comme les panthéistes, sont d’accord pour ramener la matière à la force. Mais l’existence des atomes, après comme avant cette définition, n’en reste pas moins, comme le soutient Dubois-Reymond, une limite de la connaissance, aussi infranchissable que le fait examiné plus haut, de la simple conscience. Personne ne voudra se contenter des bizarres hypothèses de Fechner, qui fait de l’univers un vaste organisme, et, au lieu de se demander comment la vie sort de la matière, se trouve embarrassé plutôt pour montrer comment la matière sort de la vie.

Il reste établi par ce rapide examen que la science, après comme avant les étonnants progrès du Darwinisme, n’est pas en état de tout expliquer. Parmi les philosophes et les savants qui ne reculent pas plus que Dubois-Reymond devant l’aveu de cette impuissance, citons Ulrici, Lotze, Robert Mayer, von Baer et Wigand.

Il nous reste à juger la dernière, mais non la moins importante conséquence des spéculations philosophiques, qui s’appuient sur la théorie de révolution, à savoir la suppression des causes finales. La doctrine qui n’admet d’autre causalité que la causalité mécanique, et veut en finir avec le dualisme des causes efficientes et des causes finales, revendique pour elle seule le nom de monisme. C’est la conception à laquelle se rallient expressément, après Büchner, et Strauss et Hæckel, et Oscar Schmidt et Helmholtz. L’auteur joint ici, bien à tort selon nous, l’auteur anonyme de l’Inconscient du point de vue de la téléologie. Helmholtz déclare expressément que « la théorie de Darwin montre « comment la finalité dans la formation des organismes résulte de l’action aveugle d’une loi de la nature, sans intervention d’aucune intelligence. » Mais c’est Hæckel surtout qui s’est fait l’avocat passionné du monisme mécaniste. Dans la 1re édition de l’Histoire naturelle de la création, comme dans sa Morphologie générale, il divisait l’histoire de l’humanité en deux périodes : la période dualiste et la période moniste. Il a eu le bon goût, il est vrai, de supprimer cette classification arbitraire, dans les éditions ultérieures de l’histoire de la