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ANALYSES. — h. spencer.Principles of Sociology.

se feront d’abord selon les lignes de moindre résistance ; puis elles deviendront plus faciles en devenant plus fréquentes. Plus le trafic sera important et régulier, plus tôt les grandes routes bien fixes et bien entretenues succéderont aux chemins mal frayés. Excellentes, larges, solidement pavées autour de la capitale, où le mouvement est plus considérable, les routes iront se ramifiant à l’infini par tout le pays, « jusqu’aux chemins paroissiaux, jusqu’aux chemins de fermes, » exactement comme les artères, grosses et béantes au sortir du cœur, se bifurquent indéfiniment et s’effilent en mille artérioles. De même qu’il y a deux voies sur nos grandes lignes de chemins de fer, mais une seule sur les petites, ainsi, les artères et les veines portent et ramènent le sang parallèlement, excepté dans les capillaires…

La circulation sociale comme la circulation vitale, commence par être faible, lente et irrégulière, finit par offrir des mouvements rapides, réguliers et d’une extrême puissance. De part et d’autre, à mesure qu’on s’élève, on voit les diverses parties puiser dans cette circulation non plus seulement les matériaux nécessaires à leur propre entretien et directement assimilés par elles, mais des matériaux qu’elles élaborent et restituent sous une nouvelle forme pour l’utilité commune. Le service que rend à un organisme supérieur le foie, par exemple, ou une glande salivaire, est le même qu’une manufacture rend à une société. Il y a plus, la même compétition se remarque des deux côtés entre les parties du tout, chacune cherchant à prendre le plus possible ; et comme le fluide nourricier dans un cas, dans l’autre les utilités circulantes sont en quantité limitée, il s’en suit que l’extrême activité d’un organe ou d’une industrie s’exerce toujours au détriment des autres. L’estomac fonctionne mal si le cerveau est en travail. Les provisions de toutes sortes (hommes, argent, etc.), n’affluent pas dans un district industriel où se développe tout à coup une grande activité, sans se retirer de tel autre district, « forcé d’éteindre ses fourneaux. »

Enfin un système régulateur est nécessaire à un corps politique aussi bien qu’à un corps vivant, pour assurer la connexion étroite des parties et leur vive coopération. Étant donnée la rude loi de la lutte pour l’existence, tout organisme (de l’une ou de l’autre sorte) ne peut se développer que grâce à la formation d’un appareil (appareil nerveux-moteur ou appareil gouvernemental-militaire), lui permettant de s’adapter vite à son milieu. Celui-là survivra qui sera le mieux doué pour voir et fuir les dangers, découvrir et saisir sa proie, échapper à l’ennemi ou le vaincre. Ce sont donc les nécessités extérieures qui déterminent l’organisme politique dans les sociétés, comme l’évolution du système nerveux chez les animaux. C’est la guerre qui fait naître, puis durer et grandir le pouvoir. Les nécessités de la défense et de l’attaque forcent la horde à se donner un chef ; quand plusieurs hordes s’unissent de gré ou de force, plusieurs chefs se trouvent subordonnés au plus puissant d’entre eux, comme autant de vassaux à leur suzerain ; de proche en proche on arrive à cet état de suprême centralisation, où le souverain,