sophe, et peut-il l’être ? M. St. Mill repousse ce système expressément, et il admet comme fondée sur l’induction la plus légitime l’existence des autres esprits. On a quelquefois pensé que ce système qui nie toutes réalités hors le moi subjectif, est le système de Fichte ; mais c’est une profonde erreur. Le moi de Fichte est un moi infini, absolu, universel, non individuel. Le moi conscient n’est qu’un moment dans le développement du moi infini. Il faut que le moi absolu ait posé le non-moi, avant d’arriver au moi conscient ; de plus dans sa Doctrine du droit, Fichte démontre expressément l’existence des autres moi (die Ichten). Ainsi l’existence des autres hommes n’est mise en doute par personne. Il faut donc dire, que le monde se compose de choses pensées, non seulement par moi, mais par les autres hommes. Le même mode de raisonnement qui prouve, selon M. Mill, l’existence des autres hommes, prouverait aussi l’existence des animaux. Or les hommes sont des êtres pensants, et les animaux sont des êtres sentants. Ils n’existent donc pas seulement à titre de choses pensées ou senties, mais de choses pensantes et sentantes, et cette seconde forme de l’idéalisme se ramènera à la première. Il n’y aura donc pas seulement des idées, mais des esprits.
De plus, dans les hypothèses précédentes, nous avons supposé que l’on n’admettait que des êtres sentants et pensants, à savoir des animaux et des hommes ; et, au nom de l’idéalisme, nous avons laissé en suspens la question de l’existence des corps proprement dits. Mais il est difficile de s’en tenir là. Car ces hommes et ces animaux existent dans un monde que nous appelons corporel. Or il est difficile d’admettre que ces êtres sont réels, et que le monde qui les entoure et les soutient soit idéal ; que les animaux, par exemple, sont des choses réelles, et les végétaux des choses idéales. Ainsi des êtres réels se nourriraient de choses idéales ! un cheval réel mangerait du foin idéal ! Il n’y a aucune raison qui impose cette conséquence étrange ! On sera donc conduit à admettre la réalité des choses vivantes ; et la vie sera un mode inférieur de la conscience ; mais on pourra pousser le raisonnement plus loin : car le végétal suppose le minéral, aussi bien que l’animal suppose le végétal. On admettra donc l’existence des minéraux, par conséquent, des corps : seulement, pour rester fidèle au principe, on accordera aux derniers éléments de la matière une conscience infiniment petite, ce à quoi rien ne répugne en soi, mais ce qui n’est plus autorisé par aucune induction. Ainsi cette seconde hypothèse, en définitive, reviendra encore à la première. Le monde ne se compose pas seulement de choses pensées, mais encore de choses pensantes, et ce