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VARIÉTÉS


LA FÊTE DE L’HUMANITÉ CHEZ LES POSITIVISTES ANGLAIS


Peut-être n’est-il pas inutile de distinguer tout d’abord les positivistes des évolutionnistes, avec lesquels on les a quelquefois confondus. Si le plus éminent d’entre ces derniers, M. Herbert Spencer, a revendiqué avec beaucoup de force et d’insistance, son indépendance à l’égard de l’école positive, les véritables disciples de Comte n’ont pas mis moins d’empressement à renier l’école évolutionniste. Et il faut s’être bien peu pénétré de l’esprit des deux doctrines, pour persister à les confondre comme on le fait encore quelquefois en France. Sans doute, en un sens, les évolutionnistes, comme tous les savants qui ont précédé ou suivi Auguste Comte, sont des positivistes, puisqu’ils se bornent à l’étude des faits dont ils induisent les lois ou les causes immédiates. Mais les disciples de Comte ne peuvent identifier et en réalité n’identifient pas ce positivisme scientifique avec la philosophie positive. On pourrait même ajouter, sans trop d’exagération, que ces deux écoles sont non-seulement distinctes, mais presque antithétiques. L’une est, en effet, imbue d’un caractère exclusivement scientifique ; l’autre paraît ne s’attacher, ou peu s’en faut, qu’au côté religieux de la doctrine de Comte. Que ce résultat soit dû surtout au tempérament anglais, que l’on s’accorde assez généralement à reconnaître comme très-religieux[1], ou qu’il faille en chercher la cause ailleurs, le fait lui-même ne saurait être révoqué en doute. Le nom dû lieu où les positivistes s’assemblent, les titres de quelques-uns de leurs ouvrages[2], les mots par lesquels ils désignent tout ce qui touche à leur culte[3], prouvent que, non-seulement ils ne répudient pas ce caractère, mais qu’ils sont les premiers à le proclamer.

  1. S’il faut en croire Montesquieu, « il n’y a pas de nation qui ait plus besoin de religion que les Anglais. Ceux qui n’ont pas peur de se pendre doivent avoir la peur d’être damnés. » (Montesquieu, édition Didot, p. 223.)
  2. Le nom qu’ils ont adopté pour leur worship est, religion positive, ou religion de l’humanité ; leurs conférences ou discours portent le nom de sermons ; leur lieu de réunion, de chapelle, etc.
  3. La liste ci-jointe des ouvrages publiés par les représentants les plus éminents de cette école, montre que leurs études n’ont jamais eu pour objet l’application de la méthode positive à des recherches scientifiques, et une classi-