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qui pousse rentendement à généraliser toutes les données de la sensibilité. M. Renouvier a critiqué cette division, mais il la reproduit en d’autres termes. La raison, qui est, pour lui, la fonction de la qualité et dont l’office est de spécifier, de distribuer les individus en genres et en espèces, ne fait que transformer, en s’y appliquant, la relation en général : elle correspond à l’entendement de Kant. D’autre part, ce qu’il appelle la loi nécessaire d’universalité[1], loi qui nous donne le « concept de la totalité des phénomènes, » ne me paraît pas différer, autant qu’il le croit, des idées de la « raison » kantienne.

Je conclus : une critique vraiment systématique de l’entendement devrait distinguer dans la représentation considérée qu’en elle-même : 1° les formes de la connaissance, 2° les lois de la pensée, 3° les forces qui constituent l’activité de l’être représentatif ; d’où trois sortes de catégories : les catégories formelles, les catégories logiques et les catégories de la spontanéité. Mais il faudrait bien spécifier que ces dernières sont des catégories « matérielles » dont l’extension à d’autres êtres qu’à nous exige l’intervention du raisonnement et par suite des lois logiques. Il faudrait aussi mettre mieux en lumière le caractère éminemment rationnel des premières. On ne saurait guère mieux faire, en somme, que de reprendre la classification de Kant en l’élargissant et en la corrigeant : si elle est fautive sur quelques points de détail, les grandes lignes m’en paraissent devoir être conservées dans toute doctrine criticiste. Comme on le voit, c’est toujours au point de vue de l’auteur des Essais que je me place ou que je m’efforce tout au moins de me placer : ce sont les intérêts du criticisme logique et conséquent que je défends pour lui. La méthode mathématico-expérimentale qu’il a suivie et qui, bien plus encore que ses conclusions, lui a valu plus d’une fois, avec une certaine apparence de raison, le reproche d’empirisme n’est ni assez nette, ni assez rigoureuse, quant à l’établissement des principes. C’est pourquoi j’ai tant insisté sur cette partie de son œuvre. Je crois, en effet, comme lui, qu’on ne saurait attacher trop d’importance à ces questions de logique, si l’on veut que la philosophie devienne réellement une science. D’ailleurs, M. Renouvier n’en reste pas moins l’un des esprits les plus éminemment « catégoristes » qui aient existé depuis Aristote et Kant, et, chez lui, le psychologue et le moraliste sont supérieurs encore au logicien.

J’ai terminé la première partie de ma tâche ; c’était la plus ingrate. Maintenant je n’aurai plus guère qu’à exposer. Voyons donc ce que le nouveau criticisme nous permet de connaître et nous autorise à croire.

Beurier.
  1. Logique générale. III, 13.