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intéressent la destinée humaine doit être demandée à des motifs de raison morale. Ce grand génie n’a pu, d’après notre auteur, s’affranchir de ses origines intellectuelles, il reste obsédé par l’idée de l’absolu, il ne peut rompre avec le noumène, il conserve les fausses divisions psychologiques qui avaient cours à son époque et voilà pourquoi on est en droit de reprendre son œuvre, de la corriger, de la continuer ; mais comme il a renouvelé la méthode, montré la voie et posé les principes, c’est de lui que tout penseur relève ou devrait relever désormais.

III

La représentation et le principe du nombre.


Le problème de la certitude étant provisoirement écarté, partons du simple fait de la représentation. Mais quelques définitions sont ici indispensables.

Quoi que nous percevions, que nous pensions, nous ne percevons et ne pensons jamais que ce qu’on appelle des choses et toutes les choses possibles ont pour nous un caractère commun, celui d’être représentées ; car ce dont il n’existe aucune sorte de représentation « ne doit pas, ne peut pas m’occuper, dit M. Renouvier, et en effet n’occupe personne ». Le représentation est cela qui se rapporte aux choses, séparées ou composées d’une manière quelconque et par le moyen de quoi nous les considérons. Les choses, en tant que représentations, sont des faits ou des phénomènes : leur ensemble forme l’expérience. Ce qui frappe dans la représensation, c’est qu’elle est à deux faces, c’est qu’elle renferme et suppose toujours deux éléments : appelons-les le représentatif et le représenté, il vaudrait même mieux dire, pour les phénomènes immédiatement perçus, le présentatif et le présenté. Depuis Kant on a pris l’habitude de désigner le représenté par le terme d’objectif et le représentatif par celui d’objectif. C’est là, d’après M. Renouvier, un fait très-fâcheux. La terminologie kantienne a été, dit-il, l’une des sources principales de l’idéalisme subjectif absolu ; et le danger qu’elle offre lui paraît toujours si grand qu’il propose, dans la seconde édition de ses Essais, de restituer aux mots objectif et subjectif la signification qu’ils avaient au moyen-âge et jusqu’au temps de Descartes : seulement il faut la préciser. M. Renouvier appelle donc « objet, ce qui dans la représentation s’offre comme le terme immédiat du connaître, savoir le représenté en tant que donné simplement dans la repré-