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PHILOSOPHES CONTEMPORAINS


M. RENOUVIER
ET
LE CRITICISME FRANÇAIS

I

M. Renouvier et son œuvre.

On ignore encore trop généralement que le criticisme de Kant a été repris, corrigé, développé, et jusqu'à un certain point renouvelé chez nous avec une rare puissance d'esprit par « un des philosophes dont notre pays a le plus de droit de s'honorer devant la philosophie étrangère[1], » par M. Charles Renouvier. Il est vrai que jusqu'à ces derniers temps Kant lui-même a été bien peu étudié, bien peu compris en France. Ce n'est guère que depuis une dizaine d'années que la Critique de la raison pure et celle de la raison pratique ont trouvé de dignes interprètes dans notre enseignement public, sous la double impulsion de M. Janet à la Sorbonne et de M. Lachelier à l'École normale supérieure. Le long discrédit qui a pesé sur la doctrine du maître devait naturellement s'étendre aux œuvres de son continuateur et c'est là, selon nous, la principale raison qui explique le peu de succès que les écrits de M. Renouvier ont eu jusqu'ici auprès du public philosophique. Depuis que Kant est mieux connu, le nom de l'auteur des Essais de critique générale est plus souvent invoqué ou discuté ; ses ouvrages ont plus de lecteurs et excitent une plus vive curiosité ; sa réputation grandit en France et finira par s'étendre à l'étranger. C'est à l'Université surtout qu'il sera redevable de la justice tardive qui lui est enfin rendue. M. Ravaisson, dans son rapport sur la philosophie française au xixe siècle[2], M. Janet dans un récent article du Temps, M. Nolen, dans sa leçon

  1. Le Temps du 8 mars 1876.
  2. La philosophie française au xixe siècle, pages 103 et suivantes.