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S’il faut chercher la vraie pensée de Hegel dans le monisme extrême, auquel se rallie la gauche de son école, ce n’est plus à Kant, mais à Spinoza qu’il convient de faire remonter le mouvement contemporain de la philosophie allemande. Le panthéisme d’ailleurs n’est pas un terme où la pensée puisse se reposer et soit condamnée à s’arrêter ; et l'on peut chercher dans Hegel lui-même les germes d’un spiritualisme supérieur. Mais Zeller ne semble accorder qu’une attention distraite aux efforts tentés en ce sens. Il étudie négligemment Herbart, qui a pourtant le mérite de soutenir les droits de l’individualisme. Les doctrines théistes de Fries, de Baader, de Kraus, de Weisse ne sont pas mieux présentées. Le théisme moral de Fichte, en particulier, n’est pas suffisamment distingué du théisme spéculatif, ou du dogmatisme théologique de Weisse. Fichte enseigne la doctrine de la personnalité divine dans le même sens où Kant la fondait sur les postulats de la raison pratique : il n’est pas moins éloigné que ce dernier des prétentions de la théologie spéculative.

VIIIe livraison. — Kant, Hume et Berkeley. Une critique de la théorie de la connaissance par Gedeon Spicker. (Berlin, chez Duncker, 1875.) — Dans un temps où tout le monde s’accorde à proclamer qu’il n’y a de salut pour la philosophie que dans le retour de la spéculation aux principes de Kant, voici un auteur qui soutient hardiment le contraire ; et prétend prouver que la distinction établie par Kant, entre les sens et l’entendement, entre les phénomènes et les noumènes, entre l’a posteriori et l’a priori, ne repose sur aucun fondement solide. Selon Gedeon Spicker, Kant n’a pas mieux réussi à réfuter le scepticisme de Hume, que le subjectivisme de Berkeley. Et le Dr  Alexius Meinong, qui analyse l’ouvrage de Spicker, se rallie entièrement aux conclusions de ce dernier.

L’Esthétique des couleurs ; L'Esthétique dans son histoire et comme système scientifique ; par Conrad Hermann (Leipzig. Fleischer, 1876). Le critique, Hans Vaihinger, veut, dans cet intéressant article, nous faire connaître, avec sa clarté et son exactitude habituelles, d’abord la doctrine générale d’Hermann, ensuite les théories esthétiques qu’il en a tirées et qui sont surtout connues du public. Hermann, hégélien au début, chercha plus tard à concilier Hegel avec Kant, à fondre l’idéalisme exclusif du premier avec les principes réalistes du second. Si l’on peut distinguer dans la grande école des récents disciples de Kant une droite, une gauche et un centre, selon que les interprètes de Kant jugent surtout sa doctrine d’après les principes et les conclusions de la Critique de la raison pratique, comme la plupart des théologiens ; ou d’après les théories de la Critique de la raison pure, comme Cohen, Lange, etc. ; ou par les deux critiques à la fois, comme Jürgen Bona Meyer et l’école de Fries : Conrad Hermann appartient au centre de l’école néo-kantienne, tandis que son critique, Vaihinger, se place lui-même dans les rangs de l’extrême gauche. — L’art est pour Conrad Hermann l’expression la plus parfaite de cette