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E. de hartmann. — un disciple de schopenhauer

cet ensemble de lois, premièrement, pour ne pas manquer le but final, et deuxièmement, pour atteindre ce but de la manière la plus convenable. Une fois le processus téléologique rattaché à la condition d’une base reposant sur les lois de la nature, on ne peut plus faire valoir un défaut apparent de finalité dans un cas particulier comme une preuve négative, dès que d’une part ce manque apparent de finalité est évidemment une conséquence nécessaire des lois fondamentales de la nature et que d’autre part le processus téléologique n’est pas dénué de but dans son entier, c’est-à-dire n’est pas arrêté dans l’accomplissement de ses fins. Nous trouvons ces deux caractères dans l’absence apparente de finalité, que nous remarquons dans les œuvres de la nature et les faits de l’histoire. Nous savons que cette absence est une conséquence forcée des lois de la nature et nous voyons tous les jours qu’elle ne peut pas arrêter la marche du progrès dans sa généralité et sa totalité. Cette observation s’applique, par exemple, aux tribus restées en arrière au point de vue anthropologique et qui continuent de végéter paisiblement comme des débris inoffensifs (nullement incommodes) jusqu’à ce que l’heure ait sonné où des races plus élevées les extermineront et s’empareront de leur domaine au nom de la civilisation. Elles ont rempli leur mission historique, quand elles servirent, il y a des milliers d’années, de stimulant dans le combat pour l’existence aux races civilisatrices placées alors au même degré de civilisation qu’elles, mais ayant reçu de la nature des dispositions plus heureuses. Ce combat, en effet, fut pour ces dernières l’occasion de développer ces dispositions. En outre, l’observation faite ci-dessus est vraie pour des nations civilisées, à l’état de stagnation et plongées dans un long rêve (Chinois, Indiens). Peut-être ces dernières ne sont-elles pas réservées à une simple extermination, mais à des impulsions civilisatrices positives qu’elles peuvent communiquer aux races les plus avancées, grâce à leurs monuments de civilisation sauvés du naufrage des temps.

Cela démontre que l’ensemble existant des lois de la nature est certainement propre à faire avancer le but du développement de la conscience, et cela doit nous suffire pour reconnaître le caractère téléologique des lois de la nature ; car jamais nous ne pourrons prouver directement que celles-ci conduisent le mieux à ce but ; nous pourrons tout au plus établir par des preuves indirectes qu’elles y conduisent probablement.

Si Bahnsen est obligé de m’accorder maintenant qu’une conscience fortement développée est indispensable comme moyen à mon but universel, mais que celui-ci suppose un organisme doué d’un cerveau