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delbœuf. — hering et la loi de fechner.

Citons les chiffres : 1/21, 1/38, 1/58, 1/67, 1/78, 1/88, 1/92, 1/100, 1/114, 1/98. Fechner pourrait répondre à cela, ajoute M. Hering, qu’il faudrait ajouter à ces poids divers le poids du bras qui pèse en même temps ; et, en effet, si l’on évalue ce poids à 1750 grammes, les résultats sont assez en harmonie avec la loi logarithmique. Mais on opéra ensuite sur des poids beaucoup plus petits, croissant depuis 10 grammes, jusqu’à 500 grammes, et l’on trouva les fractiens 1/14, 1/29, 1/42, 1/56, 1/65, 1/77, 1/69, 1/20. Il n’y a pas moyen ici de faire entrer le poids du bras en ligne de compte. D’ailleurs, d’autres séries obtenues par la chute des poids sur le bout des doigts préalablement soutenus n’ont en aucune façon confirmé la loi de Weber.

Voilà qui est grave sans doute. Puis-je ajouter que j’ai toujours soupçonné la loi de Weber de n’être pas applicable dans une bien large mesure aux sensations dites de poids[1] ? En thèse générale, plus un homme est chargé, plus dans un certain sens il est sensible à un léger accroissement de charge. Je me rappelle maints voyages faits en Suisse et d’autres pays de montagnes sac au dos, avec des compagnons de route alertes et robustes. Il y avait pour tous un certain poids du sac au-delà duquel commençait la gêne. On échangeait les sacs pour quelques instants et on les comparait, et ces comparaisons aboutissaient généralement à des réformes. L’un supprimait une chemise, l’autre une fiole, un autre une pierre plus ou moins curieuse recueillie sur la route. Instruits par l’expérience, dans l’un des derniers voyages on porta son attention sur le poids des sacs vides, et tel se félicitait de posséder un sac plus léger de 200 grammes que les autres. Et que peuvent faire en apparence 200 grammes de plus ou de moins sur un poids de sept kilogrammes environ ? Sans songer toutefois à recommencer les expériences de Weber, je me demandais si elles étaient bien exactes, sachant combien l’expérimentateur est tenté de trouver dans ses essais précisément la loi qu’il recherche. Son désir agit à son insu sur la manière dont il obtient les nombres et dont il les fait figurer dans ses tableaux. Je n’ai donc été nullement surpris des résultats nouveaux dus aux travaux de M. Hering et de ses disciples. Je ne saurais pour l’heure les interpréter à ma complète satisfaction, mais je les crois plus susceptibles d être compris rationnellement que ceux de Weber.

Dans ce qui concerne les sensations auditives, M. Hering distingue l’intensité où la loi se vérifie, si l’on admet comme exacts les résultats des recherches de Fechner et de Volkmann, et la tonalité qui

  1. Voir Étude psychophysique, p, 24.