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E. de hartmann. — un disciple de schopenhauer

faire comprendre comment Bahnsen devait précisément trouver dans une « critique de l’évolutionnisme d’après Hegel-Hartmann » l’occasion la plus convenable pour exposer dans son ensemble son propre point de vue en métaphysique et pour donner à cette recherche sur la légitimité d’une étude historique de l’univers le nom de Philosophie de l’univers. Puisque les précédents ouvrages de l’auteur ou bien embrassent (comme la Caractérologie), certains domaines psychologiques, ou bien traitent des problèmes spéciaux (comme l’étude sur les rapports entre la volonté et le motif), nous nous attacherons spécialement à sa « Philosophie de l’histoire », pour expliquer et juger la position que lui donnent ses principes dans l’histoire de la philosophie, et nous trouverons seulement dans des cas fort restreints, l’occasion de citer ses autres ouvrages[1] afin de compléter nos jugements.

Bahnsen est arrivé à nier l’être un et universel, parce qu’il regarde comme un dogme, l’indépendance substantielle de l’individu et parce qu’il a été le premier à tirer sérieusement de ce dogme la conséquence absolument légitime, qu’il fallait nier une substance absolue du moment que l’on affirmait la substantialité de l’individu. Par conséquent, nous aurons d’abord à rechercher comment il a été conduit à son individualisme, c’est-à-dire à croire à l’indépendance substantielle de l’individu, qui d’ailleurs, avec beaucoup de raison, n’a pas à ses yeux, comme à ceux des disciples de Herbart, une valeur absolue, mais une valeur relative et limitée[2].

À mon avis, il y a à cela deux raisons : en premier lieu, il estime trop haut et interprète mal le témoignage immédiat de la conscience morale ; en second lieu, il méconnaît la régularité absolue du processus universel que produit l’apparence d’une indépendance relative de l’individu, à cause de la constance régulière de la manière d’agir de chaque individu. Quand nous aurons examiné successivement la valeur de ces deux raisons, le deuxième objet de nos recherches sera de savoir si Bahnsen est en état de motiver sa « Realdialektik » antilogique et de maintenir l’exclusion du logique de la sphère de l’être réel ; en d’autres termes, nous examinerons quelle est dans son opinion la position du logique relativement à l’illogique. Nous rechercherons également si, une fois qu’on admet le logique dans le contenu essentiel de la volonté, on n’est pas nécessairement obligé de préciser sous une autre forme les rapports des deux principes entre eux.

  1. Cf. sur ces derniers mon article dans les Philosophische Monatshefte, vol. IV, livraison 4, 6, p. 378-408. Berlin, 1871.
  2. Philosophie de l’histoire, 6. 71.