Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
E. de hartmann. — un disciple de schopenhauer

Revue le point de vue de Jules Frauenstaedt. Aujourd’hui nous voulons nous occuper d’un autre penseur, qui sans doute est un auteur moins fécond, mais qui est plus original comme philosophe et comme écrivain.

Jules Bahnsen, né dans le Holstein, a publié en 1867 deux volumes : Essais sur la Caractérologie, qu’il a fait suivre plus tard de deux opuscules[1]. Déjà, dans la préface de la Caractérologie, il se pose en disciple de Schopenhauer. Comme la plupart des disciples il croit être d’accord avec son maître sur les points principaux et ne s’en écarter que dans des questions moins essentielles ; mais il lui arrive également comme à la plupart des autres disciples de ne pas assez remarquer les différences et de se faire illusion, grâce à une interprétation du maître que celui-ci aurait peut-être été le moins disposé à accepter.

Bahnsen s’en tient au point de départ subjectif de la métaphysique de Schopenhauer, à cette théorie que le principe de la volonté est en première ligne puisé dans l’individualité propre, et, appuyé là-dessus, il donne à la métaphysique de la volonté une tournure individualiste. Il admet que les disciples monistes de Schopenhauer peuvent s’appuyer sur des affirmations précises du maître, mais il fait ressortir que la doctrine du caractère intelligible et de la négation individuelle de la volonté sont, avec quelques autres points, la preuve de l’individualisme dans la doctrine de Schopenhauer. Cela est certainement juste ; mais Bahnsen oublie que le trait fondamental du système est le monisme et que ces velléités d’individualisme dans le système, ne sont que des inconséquences d’une importance secondaire. C’est pourquoi sa conclusion, que le monisme et l’individualisme pluraliste peuvent également être dérivés de la doctrine de Schopenhauer, est absolument insoutenable ; elle l’est d’autant plus que lui-même renonce à la doctrine de la négation de la volonté, en faveur d’une éternité inébranlable du vouloir, et qu’il ne peut écarter les difficultés inhérentes au concept du caractère intelligible.

À l’égard de la théorie de la connaissance, Bahnsen est d’accord avec Frauenstaedt et moi sur ce qu’il faut renoncer à l’idéalisme subjectif et demande comme nous que celui-ci soit remplacé par un réalisme transcendantal. Dans l’esthétique, il abandonne aussi l’exagération Schopenhauerienne de la connaissance exempte de volonté ; mais dans sa caractérologie il s’écarte de Frauenstaedt, en ce qu’il regarde

  1. Rapports entre la volonté et le motif ; étude métaphysique préliminaire à la caractérologie (Stolp et Lauenbourg (1870) ; Philosophie de l’histoire. Examen critique de l’évolutionisme hégélien de Hartmann, d’après les principes de Schopenhauer (Berlin, 1872).