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g. compayré. — les principes de l’éducation.

géométrie en donnant des leçons de latin, ne serait guère plus déraisonnable que ceux qui comptent produire des sentiments meilleurs au moyen d’une discipline des facultés intellectuelles. » À vrai dire, M. Spencer est tombé ici dans un autre excès, et il nous paraît avoir tour à tour trop accordé et trop refusé à l’influence de la science. Non, sans doute, la science ne suffit pas pour moraliser, comme elle suffit pour instruire : elle ne peut remplacer dans l’éducation d’autres agents, d’autres pouvoirs, tels que l’exemple, l’autorité paternelle, les sentiments religieux, enfin et surtout l’habitude, qui est la meilleure gardienne de la moralité. Mais combien ces diverses influences elles-mêmes seront plus puissantes, si elles rencontrent pour auxiliaires dans un esprit éclairé les enseignements de la science !

II


Jusqu’à présent, nous n’ayons examiné, pour établir les lois de l’éducation, que les objets auxquels s’applique l’activité humaine, et ce qu’on pourrait appeler l’homme extérieur. De cet examen est sortie la classification, par ordre d’importance relative, des connaissances que réclame, sous ses différents aspects, l’entier accomplissement de la destinée. Mais ces connaissances, comment l’esprit parvient-il à se les assimiler, à les faire entrer dans sa substance ? La pédagogie ne peut se contenter de dresser théoriquement le brillant tableau des études nécessaires ; elle recherche aussi les moyens pratiques et efficaces qui font descendre ces théories dans la réalité et qui assurent le mieux l’exécution du plan qu’elle a conçu. Ici commence un travail plus délicat encore qui exige, pour être mené à bonne fin, qu’on étudie l’homme en lui-même, qu’on pénètre plus intimement dans la constitution de son âme, qu’on analyse minutieusement le jeu de ses facultés, afin de savoir dans quel ordre et sous quelle forme les connaissances organisées, c’est-à-dire les sciences, devront être présentées à l’esprit, et auront le plus de chances de l’être avec profit.

L’idée générale qui domine la psychologie de M. Spencer, c’est l’idée de révolution : c’est-à-dire de la marche progressive d’un être qui se fait, qui se crée peu à peu, et qui met successivement au jour, suivant des lois déterminées, des puissances primitivement enveloppées dans les germes qu’il a reçus de la nature ou qui lui ont été transmis par l’hérédité. Que cette idée bien comprise exerce une