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h. taine.les vibrations cérébrales et la pensée

rence irréductibles entre eux, peuvent être composés d’éléments semblables ; qu’à un certain degré de simplicité leurs éléments ne sont plus aperçus par la conscience ; qu’ainsi la sensation est un composé d’événements rudimentaires capables de dégradations indéfinies, incapables de tomber sous les prises de la conscience, et dont les actions réflexes nous attestent non-seulement la présence, mais encore l’efficacité. La difficulté se trouve une seconde fois simplifiée ; il ne s’agit plus maintenant que de comprendre la liaison de ces événements et d’un mouvement moléculaire. — L’obscurité demeure toujours très-grande ; car nous ne pouvons jamais concevoir ces événements que d’après le type des sensations ordinaires, et, entre cette conception et celle d’un mouvement, il reste un abîme. Mais nous savons que la sensation ordinaire est un composé, qu’elle diffère de ses éléments, que ces éléments échappent à la conscience, qu’ils n’en sont pas moins réels et actifs, et, dans cette pénombre inférieure et profonde où naît la sensation, nous trouverons peut-être le lien du monde physique et du monde moral.

II. — Posons d’abord la difficulté dans toute sa force. Puisque les événements mentaux ne sont que des sensations plus ou moins déformées ou transformées, comparons une sensation à un mouvement moléculaire des centres nerveux. Prenons la sensation du jaune d’or, d’un son comme ut, celle que donnent les émanations d’un lys, la saveur du sucre, la douleur d’une coupure, celle du chatouillement, de la chaleur, du froid. La condition nécessaire et suffisante d’une telle sensation, c’est un mouvement intestin dans la substance grise de la protubérance, des tubercules quadrijumeaux peut-être de la couche optique, bref, dans les cellules d’un centre sensitif ; que ce mouvement soit inconnu, peu importe ; tel ou tel, il est toujours un déplacement de molécules, plus ou moins compliqué et propagé ; rien de plus. — Or, quel rapport peut-on imaginer entre ce déplacement et une sensation ? Des cellules, constituées par une membrane et par un ou plusieurs noyaux, sont semées dans une matière granuleuse, sorte de pulpe mollasse ou de gelée grisâtre composée de noyaux et d’innombrables fibrilles ; ces cellules se ramifient en minces prolongements qui probablement s’unissent avec les fibres nerveuses, et l’on suppose que par ce moyen elles communiquent entre elles et avec les parties blanches conductrices. Remplissez-vous les yeux et la mémoire des préparations anatomiques et des planches micrographiques qui nous montrent cet appareil : supposez la puissance du microscope indéfiniment augmentée et le grossissement poussé jusqu’à un million ou un milliard de diamètres. Supposez la physiologie adulte, et la théorie des