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Ch. lévêque. — françois bacon métaphysicien.

qu’il y avait été médiocre. M. Charles de Rémusat qui s’est écrié quelque part : « Oserons-nous dire que Bacon soit un grand philosophe ? » n’en a pas moins noté avec un soin minutieux toutes les paroles, toutes les doctrines qui rattachent à la métaphysique l’auteur de l’Instauratio magna[1] Enfin M. Kuno Fischer n’a point laissé passer sans s’y arrêter le quatrième chapitre du livre troisième du de Dignitate et Augmentis scientiarum. Il a médité les textes qui y sont contenus, il les a recueillis, il les a presque littéralement traduits, et il a mis en évidence les termes formels dont Bacon s’est servi pour introduire la métaphysique dans son encyclopédie scientifique. « Chez Bacon, — dit M. Kuno Fischer, — la métaphysique joue un double rôle, ce qui à vrai dire ne contribue guère à en déterminer la fonction ; autant qu’elle doit considérer la cause finale ou le but, elle forme une province distincte, qui est à séparer de la physique ; comme recherche des causes fondamentales au contraire, elle constitue les bases de la physique, et Bacon aurait mieux fait de l’appeler : physique générale[2]. »

Ainsi, impossible de le nier ou seulement d’en douter : loin de proscrire sans pitié la métaphysique, Bacon l’a maintenue ; il lui a même fait parmi les sciences une large place. Bacon a été métaphysicien.

Mais comment l’a-t-il été, jusqu’à quel point, dans quel sens, avec quelles réserves ? L’a-t-il été tout à fait comme Aristote, ou tout à fait autrement qu’Aristote, ou un peu comme Aristote ? L’a-t-il été avec conséquence, avec profondeur ? Sa métaphysique ne serait-elle qu’une physique déguisée qu’on serait trop naïf de ne pas reconnaître sous son déguisement ? Enfin le génie de Bacon, d’ailleurs incontestable, était-il de force à raviver la science des premiers principes et des premières causes ? Autant de questions qui nous semblent nouvelles et que nous allons traiter brièvement, avec l’espoir d’exciter quelque jeune chercheur à les reprendre après nous, mieux que nous, fût-ce même contre nous. Or c’est avec les textes mêmes de Bacon que nous tâcherons d’y répondre.

  1. Bacon, sa vie, son temps, etc. Voir surtout le livre III, ch. I : Objet,limite et caractère de la philosophie de Bacon.
  2. Kuno Fischer, Francis Bacon, etc. 2e édition, p. 280. « Die Metaphysik spielt bei Bacon eine doppelte Rolle, was freilich zur Prlicision ihrer Stellung nicht beitragt ; sofern sie die Endursachen oder Zwecke betrachten soll, biidet sie eine Provinz fur Sich, die von der Physik zu trennen ist ; als Erforschung der Grundkräfte dagegen bildet sie die Grundlage der Physik, und Bacon würde besser gethan haben sie « allgemeine Physik » zu nennen. »