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Alexander main. — lois de la nature

brève discussion à l’attention des lecteurs de la Revue philosophique. M. Lewes écrit (Mind, ii, p. 283) : a Le professeur Bain soutient que nous ne pouvons justifier par aucune raison notre croyance à la ressemblance du futur au passé : mais que le postulat de l’uniformité de la causation est une supposition. J’ai soutenu que la véritable expression de l’uniformité de la causation (généralement nommée uniformité de la nature) n’est que la simple affirmation de l’identité des effets dans des conditions identiques : tout ce qui est, est et sera aussi longtemps que les conditions demeurent invariables ; et ceci, dis-je, n’est nullement une supposition ; c’est une proposition identique » (Problèmes de la vie et de la pensée, vol. ii, p. 99). D’autre part, le professeur Bain écrit (Mind, i, p. 146) : « En traitant des fondements primitifs de la certitude inductive (logique de la déduction, p. 273), j’ai posé ce fait essentiel que nous devons nous faire accorder, comme un postulat, l’uniformité de la nature : j’ai soutenu que nous ne pouvions donner aucune raison de la ressemblance du futur au passé, mais que nous devions simplement hasarder cette affirmation. L’observation peut prouver que ce qui a été a été : elle ne peut prouver que ce qui a été sera. Pour cette raison, j’appelle l’uniformité de la nature un postulat, ou une supposition, et je refuse d’en faire une proposition identique. »

Examinons maintenant laquelle de ces deux manières de voir nous est d’un plus grand avantage, en face d’une nouvelle expérience. On trouve, par exemple, que l’eau ne bout plus à 212° F. sous la pression ordinaire de l’atmosphère. M. Bain, avec son postulat de l’uniformité de la nature, demeure absolument impuissant en face d’une nouvelle expérience comme celle-ci ; tandis que M. Lewes, se conformant à son principe de l’enchaînement indissoluble des effets et de leurs causes, conclut aussitôt que les conditions, dans ce nouveau cas, sont différentes des conditions ordinairement présentes, et se met à la recherche de l’élément invisible de trouble. Dans un cas comme celui-ci il y aurait témérité, de la part de M. Bain, à dire que la nature est inconséquente (comme il prétend qu’il le pourrait), même en prenant ce mot d’inconséquence dans le sens un peu large que nous lui donnons en l’appliquant aux actions humaines : il aurait simplement appris que la nature est plus complexe qu’il ne se la figurait, plus riche en conditions (avec les effets qui en découlent) mais non moins strictement enchaînée à son principe d’un même effet dérivant d’une même cause. Je fais, par exemple, une expérience qui produit un certain résultat ; je répète l’expérience, et le même résultat ne s’observe plus. Me viendra-t-il jamais à l’esprit que la nature a probablement, dans l’intervalle, changé ses procédés ? ou plutôt, de ce que la seconde expérience n’est pas la reproduction exacte de la première, ne conclurai-je pas aussitôt que l’une ou plusieurs des conditions primitives ont été modifiées ? Si l’attente où je suis d’un même résultat dans des conditions semblables était simplement fondée sur une supposition relative à l’uniformité de la nature, je me bornerais à conclure que je suis allé