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que humbles que soient ses sentiments, quelque rudimentaire que soit son activité possible. Bien plus : un sentiment de besoin n’implique-t-il pas un effort vers la satisfaction de ce besoin ; et, quelque vague que soit cet effort, ne doit-on pas lui donner le nom d’activité rudimentaire, enveloppant même une certaine intention, quelque mal dessinée qu’elle soit ? Et comment, demanderons-nous, l’effort serait-il autrement que vague ; comment l’intention serait-elle autrement que mal dessinée, l’animal ayant perdu tous les instruments de cette connaissance qui seule peut donner de la netteté à ce qui est vague, de la clarté à ce qui est pâle ? Tout avait disparu : yeux, oreilles, organes de l’odorat, et même jusqu’à ce peu d’intelligence qu’a jamais possédé l’animal. Que pouvait-on s’attendre à voir survivre, sinon un simple sentiment de besoin ? Mais si ce sentiment de besoin a, en effet, survécu, alors la théorie de l’automatisme tombe en ruines. Et si le Dr Carpenter est aussi sûr de la solidité de sa doctrine automatique que devrait l’attester le relief qu’il lui donne dans tout son volume, pourquoi admet-il, dans un animal sans cerveau, la possibilité même du moindre sentiment, pour ne pas parler d’un sentiment comme celui du besoin, lequel (tournez la phrase comme il vous plaira) implique, quoi qu’on dise, quelque peu d’intelligence et de volonté. Pourquoi aussi se sert-il si fréquemment des mots c pour ainsi dire, » en parlant des mouvements apparemment mécaniques ou automatiques des animaux ? Une pleine assurance ne se traduit pas par une phraséologie aussi indécise.

Dans ces remarques, il est bien entendu que j’emploie le mot machine dans son sens ordinaire, comme une chose qui n’a pas la moindre conscience de sa propre activité ; parce que c’est dans ce sens que le mot est pris par tous les physiologistes et les psychologues qui font si grand cas des prétendus actes automatiques et des « sentiments réflexes. » Mon opinion personnelle, toutefois, c’est que le dernier mot de la philosophie de notre temps sera cette affirmation que : dans la nature, toute activité a conscience d’elle-même, à sa manière ; tout atome mouvant a son côté subjectif aussi bien qu’objectif ; de sorte que la signification commune des mots machine et mécanique, se trouvera être bien au-dessous de la vérité. Ce dernier mot de la philosophie est, croyons-nous, seul capable de résoudre, avec la plus stricte logique, la question en litige.

Arbroath (Écosse).
Alexander Main.

L’UNIFORMITÉ DE LA NATURE

(D’après le professeur Bain et Mr. H. Lewes.)

Dans deux petits articles publiés par notre nouveau journal philosophique, Mind, le professeur Bain et M. G. H. Lewes se sont montrés en désaccord sur une question qui paraît présenter assez d’intérêt et d’importance pour m’autoriser à en soumettre un court exposé et une