NOTES & DOCUMENTS
Dans la plupart des ouvrages de physiologie que j’ai lus, j’ai trouvé le mot automate employé dans un sens très-vagué et contradictoire. Parfois, on en fait l’exact équivalent du terme machine (dans sa signification commune et populaire) ; ailleurs, il équivaut à machine plus conscience. Ainsi, dans son ouvrage bien connu, « la Physiologie mentale, » le Dr Carpenter emploie le mot tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre ; souvent il rapporte des actes qu’il fait dériver de la sensibilité, et même, jusqu’à un certain point, de l’intelligence et de la volonté, mais qui, avec le temps, deviendraient purement automatiques et mécaniques. Cette hésitation entre deux interprétations si essentiellement différentes, n’est-elle pas tout à fait inexcusable ? Un automate est ou une machine privée de conscience, ou un corps dont les actes sont déterminés par la sensibilité : il ne peut être l’un et l’autre à la fois. Je ne puis m’expliquer davantage comment des actes qui, à l’origine, réclamaient l’intervention de la sensibilité, en viennent à s’accomplir sans aucun sentiment ; comment un organisme, qui répond à certains excitants purement en vertu de sa sensibilité, peut, à un moment donné, répondre à ces mêmes excitants, en l’absence complète de toute sensibilité. Que des actes accomplis d’abord avec peine, arrivent peu à peu à se produire facilement : c’est ce que l’on conçoit bien, et ce que l’on constate tous les jours. Certains sentiments qui, tout d’abord, s’étendaient au delà des centres d’activité nerveuse qui leur étaient particulièrement destinés, formant ainsi, pour un temps plus ou moins long, des combinaisons plus complexes, ont pu, à la longue, se restreindre à une sphère d’activité purement locale, remplir ainsi, chacun à sa manière, des fonctions spéciales, et ne se manifester ainsi au reste de l’être vivant que comme une partie du courant général de la conscience : cela est encore parfaitement raisonnable, et c’est là, je pense, la théorie qu’une philosophie compréhensive proposerait avec pleine et entière confiance, comme expliquant tous les faits et tous les cas allégués jusqu’à présent. Mais qu’un organisme sensible, agissant seulement à cause de sa sensibilité, puisse jamais se transformer en une simple machine : voilà qui me paraît impossible à concevoir. Car, à coup sûr, le sentiment est une chose ou un acte sui generis ; si ce n’est pas une quantité positive, du moins c’est une qualité positive ; et cela suffit pour ce qui concerne cette discussion. La question se pose donc ainsi : « Dans cette transition de l’acte sensible à l’acte purement mécanique, où le sentiment a-t-il passé ? La philosophie a le droit de poser cette question à la physiologie : car, s’attendre à voir des actes,