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ribot. — psychologie de herbart

offre de grandes difficultés. — Pour conclure, il est évident que l’assertion de Kant ne peut être acceptée sans examen, par quiconque a quelque notion des études publiées depuis quinze ans sur la psycho-physique.

Toutefois — et ceci nous ramène à Herbart — l’expérimentation n’a été appliquée qu’à un certain groupe d’états de conscience, aux perceptions. Elle paraît applicable à un autre groupe, aux états de conscience liés à des mouvements, c’est-à-dire aux réactions consécutives à la perception. Mais ces deux groupes sont loin de comprendre la totalité des phénomènes internes : les souvenirs, les notions abstraites, les opérations logiques, etc., paraissent se dérober à tout procédé expérimental. On a bien pu calculer leur vitesse, leur durée ; mais leurs variations intensives restent indéterminées.

Dès lors, la seule tentative possible pour procéder scientifiquement consiste dans l’emploi de l’hypothèse et du calcul. C’est là précisément ce qu’a tenté Herbart. Il a voulu appliquer au domaine entier de la psychologie la méthode suivie par d’autres sciences, telles que la physique mathématique. Cette méthode consiste à partir d’hypothèses vraisemblables et appuyées sur l’expérience, à leur appliquer le calcul, et finalement à vérifier par l’expérience la valeur des résultats théoriques. Herbart l’a-t-il suivie ?

1° Son point de départ est certainement hypothétique. Nous ne parlons pas de la triple supposition qu’il nous fait d’abord traverser (unité de l’être, tendance à la conservation, fait de conscience qui en est le résultat) : c’est une nécessité inhérente à toute psychologie, même expérimentale, de partir de quelque hypothèse métaphysique. La véritable hypothèse qui sert de base à sa psychologie, c’est que les états de conscience sont des forces qui luttent entre elles. Cette hypothèse, si elle n’est pas la meilleure ni la seule possible, repose du moins sur des faits positifs. Mais Herbart en ajoute une série d’autres qui semblent complètement arbitraires. Nous en avons noté plusieurs, chemin faisant, et il est facile d’en signaler de nouvelles. Ainsi, il admet que les représentations laissent des résidus, par le moyen desquels elles se fondent en une combinaison (Verschmelzung) ; mais il ajoute : « Qu’entre chaque représentation et les résidus, il y a une action réciproque qui est directement proportionnelle au produit des résidus combinés ; inversement proportionnelle à l’intensité de chaque représentation. » Cette hypothèse ne repose sur aucun fait d’expérience ni sur aucune nécessité mathématique. — Ailleurs, en vue de déterminer l’intensité absolue d’une représentation, il pose l’hypothèse suivante qui est totalement arbitraire et invraisemblable : si deux représentations a et b sont en com-