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analyses. — ribot. psychologie de herbart.

tivité musculaire, mouvement, résistance) est par lui négligée : il ne tient compte que des représentations et de leurs rapports. C’est ce qui a permis à Lotze d’objecter à cette théorie que certaines séries (par exemple la gamme) peuvent être parcourues indifféremment de haut en bas ou de bas en haut sans donner la moindre idée d’espace, et d’autres critiques[1] ont pu soutenir que cette explication de l’espace implique elle-même préalablement l’idée de l’espace.


III


Il ne s’agit pas pour nous d’étudier la psychologie de Herbart dans tous ses détails : ce qui précède contient l’essentiel, il ne reste que deux points qui doivent nous arrêter : ses théories sur la sensibilité et sur le moi.

Pour Herbart, tous les faits psychologiques sans exception sont des représentations. Les phénomènes nommés sentiments, affections, émotions, désirs, passions, etc., ne constituent pas une espèce à part qui s’oppose aux idées : ce sont simplement des rapports. Les états particuliers de l’âme que tout le monde désigne sous le nom, de sentiments (avec leurs variétés) sont des rapports entre les représentations. Ainsi qu’on l’a fait remarquer, cette doctrine est déjà en germe dans Aristote. On a remarqué de bonne heure qu’un groupe de sentiments — les sentiments esthétiques causés par les sons — dépendent des intervalles, c’est-à-dire des rapports entre nos perceptions. Herbart a généralisé cette théorie et l’a étendue à tous les sentiments.

« Le sentiment (Gefûhl) se produit, dit-il, lorsqu’une représentation reste dans la conscience par suite d’un équilibre entre les forces qui l’arrêtent et celles qui tendent à l’élever. » Cette définition a besoin d’être expliquée. Lorsqu’une représentation franchit le seuil de la conscience et s’élève, il se produit un état qui, dans la langue commune des psychologues, s’appelle un acte intellectuel. Si, au contraire, la somme d’arrêt s’accroît, la représentation est refoulée au-dessous du seuil ; l’acte intellectuel cesse. Mais il peut se présenter un autre cas : supposons qu’une représentation existe dans la conscience ; si deux autres représentations de force égale et contraires tendent, l’une à la refouler, l’autre à l’élever, il se produit un état d’équilibre. Cet état qui résulte, on le voit, d’un rapport entre les représentations produit un sentiment. Ainsi, dit Lindner, l’un des

  1. Zeitschrift für Philosophie (1866, liv. 1-2).