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ribot. — psychologie ethnographique en allemagne

un cerveau, des nerfs et un organisme ; il est clair aussi que tous les faits sociaux, moraux, religieux, bref l’histoire entière n’est qu’un effet dont l’âme humaine est la cause. La psychologie plonge ainsi ses racines dans les sciences de la vie et s’épanouit dans les sciences historiques. Tout ce qui se passe dans ces deux groupes de sciences la touche et souvent la modifie profondément.

Des deux, la biologie est celle qui a fait le plus et l’on peut croire que ce qu’elle a donné est peu au prix de ce qu’elle réserve. D’abord elle a prise sur les sources mêmes de la vie psychique : elle tient aux causes. Si complexe qu’elle soit, elle l’est beaucoup moins que l’histoire. Elle a surtout l’avantage d’une méthode plus précise, plus rigoureuse, parce qu’elle emploie l’observation directe et l’expérience.

Les apports de l’histoire sont moins nombreux et d’un caractère plus vague. L’étude des langues, des religions et des mœurs a pourtant conduit à des résultats importants ; et si la psychologie veut cesser d’être un tissu d’abstraction, pour plonger de plus en plus dans la réalité, il faut qu’elle s’applique résolument à expliquer ces problèmes de linguistique, de morale, d’esthétique qui sont une partie intime d’elle-même. Si les mathématiques ont dû une partie de leurs progrès à la nécessité de sortir du domaine des abstractions pures, pour expliquer les phénomènes complexes de l’astronomie, de la mécanique et de la physique, n’est-il pas naturel de supposer que cette psychologie abstraite, qui a été prise longtemps pour la psychologie tout entière, profitera de même, en s’appliquant à l’étude des faits si variés de la nature humaine, dans l’histoire, les mœurs, les religions, la littérature et les langues ? Le monde mental n’a été si imparfaitement exploré, que parce que la science qui s’en occupe, renfermée en elle-même et toute spéculative, a dédaigné ou négligé les manifestations spontanées et concrètes de l’esprit.

Il faut donc savoir gré à tous ceux qui ont tenté de concourir à cette œuvre difficile ; et cependant plusieurs d’entre eux sont à peu près inconnus en France. Nous voudrions, pour ce qui concerne l’Allemagne contemporaine, en dire quelques mots.

Une première difficulté consiste à déterminer d’une façon précise quelle place les représentants de la Völkerpsychologie occupent dans le mouvement actuel. L’homme est étudié de tant de manières par les anthropologistes et les historiens, par la critique littéraire et la linguistique, que, dans cet ensemble d’efforts souvent contradictoires, quoiqu’ils tendent au même but, il est quelquefois difficile de s’orienter. Sans essayer ici rien qui ressemble à une classification, nous croyons pouvoir distinguer trois principaux courants :

L’un, le plus considérable, est celui des doctrines transformistes.