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E. de Hartmann. — schopenhauer et frauenstaedt

véritable principe (métaphysique) de la morale, tandis que la sympathie n’est qu’un des nombreux rayons à travers lesquels cette vérité métaphysique va éclairer la sphère de la conscience enveloppée par le voile de Maya.


XV. — Conclusion.

Si nous jetons un regard sur les considérations émises, nous verrons que Frauenstaedt reconnaît la nécessité de changements profonds et essentiels dans le système de son maître, afin de le soutenir en face de la critique. En particulier, il ne peut, s’empêcher d’admettre avec les adversaires de Schopenhauer qu’il y a contradiction entre l’idéalisme subjectif et les autres parties du système. Il en conclut avec raison qu’il faut le remplacer par son contraire, mais il a tort de prétendre que Schopenhauer ait déjà entrepris une pareille transformation du système, tel qu’il est exposé dans son ouvrage principal. Cette transformation doit changer en leur contraire tous les éléments basés sur l’idéalisme subjectif et peut seulement s’abstenir de toucher à ceux de ces éléments qui sont, déjà en contradiction avec cet idéalisme. Frauenstaedt n’a pas réussi à supprimer partout les conséquences fausses de l’idéalisme subjectif (par exemple dans le matérialisme) et à pousser sérieusement jusqu’à leurs dernières limites les conséquences inévitables du réalisme transcendantal. Il a échoué dans cette tentative, même là où Schopenhauer avait déjà montré certaines tendances réalistes (par exemple dans la limitation par le temps du processus réel du monde et du vouloir).

D’un autre côté la contradiction de l’idéalisme subjectif avec les autres parties principales du système ne peut pas encore être regardée comme une preuve qu’il est insoutenable ; il se pourrait que ce point de départ de la philosophie de Schopenhauer fût seul logique et que tout ce qui lui est contradictoire fût dénué de vérité. En fait, cette opinion est soutenue par des kantiens, tels que Cohen et F. A. Lange, et les adversaires de ces derniers ne doivent pas se dissimuler qu’ils sont en opposition non-seulement avec le point de vue systématique de Schopenhauer mais encore avec l’autorité de Kant. D’après cela, on pourrait attendre à bon droit de la part d’un successeur réaliste de Kant et de Schopenhauer, une exposition des motifs justifiant le rejet de l’idéalisme transcendantal de ces deux philosophes[1]. On chercherait en vain dans Bahnsen ou dans Frauens-

  1. J’ai essayé cette justification dans mes : Fondements critiques du réalisme