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subjective leur a fait croire que la philosophie de l’Évolution est issue du Darwinisme. Ce serait plutôt le contraire qui serait vrai ; de fait il n’y a pas eu production directe de l’une de ces conceptions par l’autre. Séparément, presque à la même époque, Spencer d’abord, puis Darwin, ont proclamé la variabilité des espèces, le premier comme philosophe traitant de la cosmologie, le second comme naturaliste, et pour expliquer certains faits par d’autres faits. On trouverait dans les articles que nous analysons un certain nombre d’approximations analogues. Ainsi Spencer ne prétend nulle part que la matière ait été à l’origine dans un état d’homogénéité absolue, comme le lui reproche Mamiani. Et quand l’illustre comte déclare que la loi de l’Évolution ne peut, à cause de sa généralité, expliquer le détail des choses concrètes et la genèse des existences, il omet à tort de dire que Spencer a précisément essayé de rendre compte de ce détail et de cette genèse à propos de l’une des parties les plus délicates de l’univers, le système nerveux des animaux supérieurs. Enfin on est quelque peu surpris d’entendre l’auteur affirmer qu’à s’en tenir au critérium admis par Spencer de la complexité organique, il n’y a aucun moyen de savoir si l’éléphant est supérieur au poisson, ou le poisson à l’éléphant.

Du reste la discussion ne manque pas d’intérêt. Ce serait en effet un coup sensible porté à la philosophie de l’évolution que la réfutation définitive des antinomies kantiennes. Il est vrai que l’évolution telle qu’elle est entendue par Spencer peut paraître dépourvue de but et de raison, puisque les évolutions et les dissolutions se suivent dans son système sans que l’on soit autorisé à affirmer la continuité du progrès et le triomphe de la vie. On comprend encore que certains esprits exigent un principe absolu qui explique le devenir. Quant à cette tentative hardie de soumettre la vie des sociétés aux mêmes lois que le reste des existences, on n’est pas non plus surpris que, de son point de vue, Mamiani la trouve insensée et déclare qu’une pareille confusion d’idées annonce le commencement de véritables saturnales de la science. Cependant on voudrait que l’argumentation fût moins sommaire et on aimerait à voir les théories adverses serrées de plus près. Chacun des points touchés demanderait un article. Amené à envisager avec plus d’attention les théories fort élaborées de Spencer, l’auteur les trouverait sans doute moins portentose. Il en est de même du discours contre le Darwinisme. C’est un résumé rapide de tout ce qu’on a dit de plus solide contre le Darwinisme ; parmi ces objections, les moins fortes ne sont pas celles que Darwin a pris soin de s’adresser à lui-même. Mais ces objections et les autres sont connues de nos lecteurs. Nous insisterons seulement sur celles qui sont tirées de la psychologie.

Non-seulement, dit-il, l’intelligence humaine est quelque chose de nouveau dans le monde, et qui ne saurait s’expliquer sur les mêmes principes que les phénomènes d’ordre physique ; mais même la plus grande partie des instincts animaux présente ce caractère.