De ces deux modes d’action, le premier qui consiste à agir ou à se mouvoir par soi-même est celui qui caractérise la liberté : il s’ensuit que l’initiative d’action n’est qu’un autre nom pour désigner la liberté de l’être actif.
M. Hazard affirme que M. Mill reconnaît l’exactitude de cette définition et il l’admet lui-même sans examen. Cette fois, le désir de la conciliation l’a entraîné trop loin et l’a poussé à déguiser aux autres et à lui-même une équivoque regrettable. Sans doute on peut appeler libre l’être qui trouve en lui-même le principe de son activité : c’est là une définition métaphysique de la liberté qu’auraient adopté Hobbes et Spinoza et qu’adopte M. Hazard. Mais d’autres diront qu’un être libre de cette manière peut néanmoins être contraint d’agir nécessairement d’une certaine façon, en vertu de sa nature (par exemple, le Dieu de Spinoza). L*être véritablement libre est celui qui agit non-seulement sans subir la pression des forces antérieures, mais encore sans obéir fatalement à ses instincts. C’est ce que je nommerai la définition psychologique de la liberté, celle qu’auraient acceptée les Écossais et sans doute aussi Kant. La première sorte de liberté peut exister théoriquement dans les forces les plus brutales et les plus inconscientes, elle consiste dans une qualité naturelle, la spontanéité de l’effort : elle constitue surtout l’objet de la lutte entre les mécanistes et les dynamistes. La seconde sorte de liberté, qui suppose l’existence de la première, ne peut se rencontrer que dans des êtres doués de conscience et d’intelligence ; elle réside non dans l’effort lui-même mais dans le choix intellectuel qui le précède ; elle forme le fond du débat entre les déterministes et les spiritualistes contemporains.
À ces deux sens du mot liberté, correspondent deux sens du mot nécessité. On appelle nécessaire tantôt ce qui est forcé, contraint, accompli sous l’impulsion irrésistible d’une force extérieure, tantôt ce qui doit être et ne peut être autrement (que la cause de cette fatalité soit interne ou externe).
M. Hazard a fort justement critiqué la confusion de ces deux sortes de nécessité dans les œuvres de St. Mill : il est très-fâcheux qu’il n’ait pas su éviter une confusion semblable produite par le double sens du mot liberté : cette équivoque, qui a déjà engendré tant de malentendus dans les débats philosophiques, a pesé lourdement sur toute cette seconde lettre de M. Hazard. De là vient l’obscurité de ses conclusions. Souvent l’auteur semble se rallier aux partisans de la nécessité, quoiqu’il fasse sonner bien haut cette liberté qu’il attribue à tout esprit agissant spontanément. Il y a néanmoins dans cette lettre des aperçus ingénieux et qui méritaient de trouver place dans une étude moins confuse et moins inconséquente. Ainsi M. Hazard analyse très-finement la nature des motifs qui, selon les déterministes, pèsent fatalement sur nos décisions et par suite sur nos actes. Il faudrait prouver, dit-il, que ces motifs sont la cause fatale et nécessaire de nos actes et que leur existence est contradictoire avec