Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
revue philosophique


XIV. — Les problèmes moraux.

Pour terminer cet examen jetons un regard sur la position de Frauenstaedt à l’égard des doctrines morales de Schopenhauer. Ici les vues sont si opposées que l’antagonisme n’est plus atténué ou dissimulé, comme ailleurs, par des interprétations forcées ou artificielles de la doctrine du maître. Frauenstaedt expose les idées suivantes :

Il faut renoncer à la négation individuelle de la volonté, puisqu’elle est en contradiction avec le monisme ; il est donc absurde de regarder l’ascétisme ou une morale ascétique à côté ou même au-dessus de la morale ordinaire, comme un moyen conduisant à cette négation. À titre d’individu, l’homme n’a aucun choix entre l’affirmation et la négation de la volonté, et son action physique aussi bien que morale ne peut s’exercer que sur le terrain de la première. La détermination absolue de toute action doit être maintenue, mais il ne faut pas admettre avec Schopenhauer la liberté de l’individu dans son être, puisqu’elle est en contradiction avec le monisme ; il faut la remplacer par la détermination absolue de l’être. Le caractère intelligible est identique avec l’idée ou, pour parler plus exactement, avec l’acte primordial de la volonté, se manifestant en elle, et qui n’est plus un acte de l’individu auquel, existant seulement par lui, il donne naissance, mais du Tout un et universel, et est soumis au temps en qualité d’acte de la volonté, absolument comme tout autre acte. Il n’y a pas de différence entre le contenu du caractère intelligible et empirique, et le caractère passe aussi bien que l’intellect par un développement, dans lequel la constance des dispositions fondamentales se joint à une certaine variabilité de leurs rapports réciproques et, par conséquent, de leur effet total. Même la volonté universelle ne possède aucune liberté relativement à la nature de son essence, qui ne pourrait en aucun cas être différente de ce qu’elle est ; la liberté de la volonté universelle signifie seulement indépendance de son être à l’égard des choses extérieures ou aséité.

Sur tous ces points Frauenstaedt est en opposition avec Schopenhauer et d’accord avec la Philosophie de l’inconscient. Si je maintiens pour la volonté universelle la liberté trancendantale dans le sens de Schopenhauer, c’est-à-dire la liberté de la volonté potentielle de rester à l’état du non-vouloir ou de s’élever jusqu’au vouloir, et si j’attribue ainsi au concept de l’aséité une valeur positive, cette diffé-