la notion de mouvement, notion que nous obtenons au contraire par le changement dans les sensations de la vue et du toucher. C’est au moyen de l’habitude et de l’association que nous finissons par rattacher le changement de position visible ou tangible à une sensation musculaire, l’une étant toujours accompagnée de l’autre. La notion d’étendue, qui est la condition de celle d’espace, s’obtient par la coexistence de sensations visuelles ou tactiles et non au moyen de la motilité. Il en est de même de la notion d’extériorité des choses relativement les unes aux autres. Quant à la succession, au temps, à la durée, nous les trouvons aussi bien dans les changements s’imposant à nos sens par l’action des objets extérieurs, que dans les changements imprimés à notre sens musculaire par notre volonté. Loin de déduire, comme le fait M. Bain, la notion d’étendue de la succession et du mouvement, nous pensons qu’il est impossible d’acquérir la notion du mouvement, sans avoir préalablement celles d’étendue et de coexistence. Mais il est un ordre de notions à l’égard desquelles nous nous rangeons à l’opinion de M, Delbœuf ; ce sont les notions qui consistent dans une détermination ou une mesure, les notions de distance, de grandeur, de direction, de position, notions qui supposent toutes des comparaisons et par conséquent le transport d’un point à un autre. La comparaison ne peut avoir lieu sans le déplacement de l’œil ou de l’organe du toucher ; et comme ce déplacement s’accompagne d’une sensation de contraction musculaire, on peut déduire de l’intensité ou de la durée de cette sensation quel est l’éloignement des points à déterminer ou dans quelle mesure une direction diffère d’une autre. C’est donc par la contraction musculaire qu’une distance, une grandeur, ou même une forme se sentent.
M. Delbœuf a essayé de donner une vérification expérimentale de cette théorie. Faites en sorte que la sensation musculaire soit augmentée, et les objets paraîtront plus grands, ou bien leur distance paraîtra plus éloignée. La fatigue, la vieillesse augmentent les distances ; la dernière lieue d’une journée de marche paraît plus longue que la première. Dans une note sur les illusions d’optique, publiée dans les Bulletins de l’Académie royale de Bruxelles[1], M. Delbœuf a réuni un grand nombre de cas, dans lesquels les objets paraissent, par suite d’un travail plus considérable imposé aux muscles moteurs de l’œil pour les mesurer, plus grands ou plus éloignés qu’ils ne sont réellement. Tracez une ligne horizontale et du côté droit placez-y quelques points ; dites ensuite à une autre personne de marquer le
- ↑ 2e série, tome XIX, nº 2.