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Quand l’excitation est interrompue, le mouvement et la sensation redeviennent ce qu’ils étaient auparavant, à l’exception des modifications quMls peuvent avoir laissé dans l’organe même et qui deviennent des germes d’habitude, de telle sorte que, dans la suite, la même espèce de mouvement pourra être réveillée par une excitation moindre.

Au point de vue du sentiment, qu’il eût ici encore fallu distinguer avec soin de la sensation, le plaisir ou la peine accompagnent l’augmentation ou la diminution de mouvement, et, contrairement à la sensation, cessent dès que cette augmentation ou cette diminution sont complètes et que l’équilibre est établi. Mais l’équilibre et la permanence de la même sensation s’accompagnent d’indifférence et non de plaisir ou de peine.

Passons maintenant à ce qui est le contraire de l’excitation, c’est-à-dire à la dépense de force et au travail. Il y a dans ce cas diminution de mouvement et par conséquent peine. On peut se demander ici si la loi de Weber peut être renversée et s’il est vrai que la peine s’accroisse en proportion géométrique, tandis que le travail ne s’accroîtrait qu’en proportion arithmétique, ou s’il existe entre ces deux faits un autre rapport de proportion. M. Delbœuf a essayé de déterminer la mesure de la fatigue en relation avec les accroissements de dépense de force ; et il est arrivé à cette formule que pour des accroissements de fatigue égaux les accroissements de travail ou de dépense suivent une progression géométrique décroissante. Il se fonde encore ici sur sa théorie de l’équilibre et en outre sur celle de la tension. La faculté d’accommodation de l’être sensible étant, selon lui, limitée par un maximum et un minimum, et l’équilibre étant la. moyenne entre ces deux valeurs extrêmes, la tension augmente à mesure qu’une excitation augmente. Cette tension, cette marche vers la rupture est accompagnée d’un sentiment d’épuisement, de douleur ou de fatigue. Ici M. Delbœuf retombe dans la même erreur que pour la mesure des sensations ; il croit qu’il peut substituer à la quantité de travail extérieur produit la quantité de tension intérieure. Mais il est fort probable que dans ce phénomène qu’il appelle tension, il y a beaucoup plus de dépense de force que nous n’en mettons réellement dans le travail produit. De même que les mouvements vitaux s’interposent entre les excitations et le sensorium, il est probable qu’ils résistent de même à la transmission de la force du dedans au dehors. Nous croyons que la fatigue est proportionnelle à la tension, mais qu’elle croît beaucoup plus vite que le travail. Nous serions par conséquent très-disposé à accepter la formule de M. Delbœuf, sans nous arrêter à la démonstration mathéma-