de bronze. La race qu’il suppose souveraine, c’est l’Église ; les armes qu’il lui donne, bien que perfectionnées, elle les a eues. Et quant aux vérités qu’il attend d’elle l’ancien dogme les a depuis longtemps révélées. Était-ce la peine de tant tourmenter la nature, pour mettre à sa tête une nouvelle armée de théologiens, bardés de fer, contenant l’humanité par la terreur, la menaçant d’un enfer réel, et la matant par l’évidence ? Décidément la déesse Raison a de singuliers adorateurs. M. Renan raillait Robespierre qui se proposait de rendre les gens libres malgré eux. Que dire de cet autre idéal, la science, qu’il faut imposer aux hommes à coups de canon, jusqu’au jour où peut-être, l’auteur lui-même le soupçonne, l’instinctive ignorance se révoltera contre de tels maîtres, comme jadis contre les sorciers et les alchimistes ? Si la science, de même que Dieu, se propose l’idéal de Machiavel et de Borgia, il ne faut pas s’étonner de ces représailles. La terre et l’univers alors ne seront plus, à l’image de l’histoire italienne que M. Renan chérit si fort, qu’une succession de luttes et de vendettas, un jeu du diable.
Reste, il est vrai, la forme monarchique. — « Ce sera plus consolant, j’espère, dit Eudoxe. J’ai besoin d’un Père céleste pour me délivrer de votre enfer. Ce Père céleste, pourtant, n’est que le Dieu impersonnel du panthéisme où s’absorbent tous les êtres, et au sein duquel ils jouissent d’une immortalité collective. » Un être omniscient et omnipotent pourra être le dernier terme de l’évolution déifique, soit qu’on la conçoive jouissant par tous (tous aussi jouissant par lui), selon le rêve de la mystique chrétienne ; soit qu’on le conçoive comme une individualité arrivant à la force suprême ; soit qu’on le conçoive comme résultant de milliards d’êtres, comme l’harmonie, le son total de l’univers. » Mais à l’aide de quelque image que ce Dieu soit représenté, c’est dans son souvenir seul que les hommes sont immortels. C’est à ces termes que se|réduit le théisme de M. Renan. Et de plus, il ne se dissimule pas toutes les difficultés que de telles affirmations soulèvent. Il reconnaît quel péril il y a à parler de conscience divine, alors que le mot de conscience suppose une limitation, une opposition du moi et du non-moi, qui est la négation même de l’infini. Il n’ignore pas davantage combien il est vain de garder encore le nom d’immortalité, quand la personne disparaît, et avec elle la conscience qui la faisait être. Il n’est pas dupe non plus des métaphores, grâce auxquelles il attribue à la nature une volonté, un désir : il ne croit pas obstinément au divin, et il ne se fait pas fort d’expliquer comment, à l’origine, ou de toute éternité, l’équilibre s’est rompu, et comment il ne s’est pas encore rétabli. Bref, dans les dernières pages des Dialogues, M. Renan abandonne toute sa métaphysique, il revient au seul axiome de Kant : le devoir. Comme Platon, après avoir longtemps dogmatisé chemin faisant, il conclut par des doutes, et n’affirme plus que des espérances ou de « beaux risques ».
Pourquoi lui demander davantage ? Il s’est livré, faisant part de toutes ses pensées. Il n’a pas voulu plus que dire ses propres croyances, si