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ch. bénard. — l’esthétique de max schasler

Les trois procédés, en supposant qu’ils soient réels et se détachent les uns des autres, comment s’agencent-ils et se pénètrent-ils ? Comment entendre surtout le dernier ? Rien de plus vague et de plus contestable que ce que dit l’auteur. Il aboutit sans s’en douter, lui le partisan du réel et du concret, à un procédé quelque peu mystique (voyez p. 1132). Il parle aussi de refaire, comme introduction (Propédeutique) à cette science une science du langage, organe de la pensée qui vicie ses opérations (Sprachwissenschaft), (p. 977). Mais c’est tout, , et on ne voit pas quel parti il peut en tirer. Tout cela est vague, incomplet, manque de cohérence et de lucidité.

Mais, selon nous, le point le plus attaquable est précisément celui qu’il déclare le plus important : trouver une base nouvelle et incontestable à cette science du beau et du laid. Le moyen, à vrai dire, nous paraît entièrement chimérique. Pour atteindre ce but, en effet, que fait-il ? Il élimine successivement tout ce qui peut servir à établir la définition de cette science, le beau, l’idée du beau, tout jusqu’à une définition nominale. Il arrive ainsi à faire le vide le plus complet. Pour trouver quelque chose alors de réel et de positif, il n’y a plus qu’à se rabattre sur les facultés de l’esprit, les faits et les penchants de la nature humaine, et à fonder, comme il le dit, sa science sur une base anthropologique. L’esprit humain, ses pouvoirs ou ses facultés, l’activité ou l’énergie active de l’esprit, voilà, dit-il, ce qu’on ne peut contester, la base solide prise en dehors de toute hypothèse. Cela étant, l’auteur reconnaît trois penchants fondamentaux à la nature humaine, le penchant intellectuel, le penchant moral et le penchant esthétique. C’est là le vrai contenu de l’esprit subjectif. On peut s’y confier et s’y appuyer. — Soit. Mais comment n’a-t-il pas vu que ces trois penchants eux-mêmes n’ont de valeur et de signification que par les trois idées qui y sont attachées : les idées du vrai, du bien et du beau ? C’est là aussi est une base subjective et à la fois objective, la seule absolue. Veut-on en sortir, on s’élance dans le vide. Les trois penchants, je le répète, n’ont de valeur, de légitimité et de sens que par ces idées. Quand l’histoire entière attesterait leur constance cela ne prouverait pas leur véracité, leur autorité. De plus, n’est-ce pas rentrer dans le point de vue de la subjectivité, qui fut celui de la science du beau, à son origine, qui a dominé dans toute sa première période, mais dont elle est sortie à mesure qu’elle a grandi ? N’est-ce pas rétrograder vers Baumgarten et Kant et retourner en arrière ? On parle du penchant artistique (Gestaltungstrieb) analogue à l’instinct du langage (Sprachstrieb). Comment cet instinct engendre-t-il le beau et l’idée du beau ? Ne la