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Luigi Ferri. — le procès de galilée

plus enthousiastes ont montrée dans de semblables cas. La résistance eût sans doute semblé inutile à cet auguste vieillard, dont l’intelligence embrassait le système du monde et se sentait trop supérieure aux préjugés et aux passions des contemporains. Espérant échapper du moins à une peine trop grave, il a, à ce que pense M. Berti, concerté son plan de défense avec le père Macolano, commissaire général du Saint-Office, avec lequel il entretenait des relations d’amitié avant le procès ; c’est suivant ce plan qu’il aurait non-seulement nié son adhésion au système de Copernic, mais proposé et promis de démontrer et de défendre le système contraire. Cependant cette forme de la procédure ne suffit pas à ses juges ; ils ne sont pas convaincus de sa sincérité et suivant les prévisions et facultés contenues dans le décret pontifical relatif à l’examen sur l’intention, ils croient nécessaire de le soumettre à l’examen rigoureux. C’est du moins là ce qui ressort de la sentence publiée in extenso par l’auteur à la fin de son livre. Or l’examen rigoureux signifiait précisément la question, en d’autres mots l’examen avec torture. L’auteur le prouve amplement.

La sentence et le décret du pape sont donc d’accord. L’un prescrit en cas de besoin ce que l’autre annonce comme accompli, et donne comme un des antécédents et considérants juridiques de la peine ; cette peine consiste, sous la condition préliminaire de l’abjuration, dans une réclusion dont la durée est laissée à la décision du Saint-Office et dans l’obligation de réciter les psaumes une fois par semaine pendant trois ans, en pénitence du péché commis et pour l’édification des fidèles. Rien ne manque, comme on le voit, à la satisfaction de la justice ecclésiastique ou plutôt de la tyrannie sacerdotale dans la marche et le résultat de ce procès célèbre ; si nous en croyons le témoignage irrécusable de la sentence, tout ce que sa procédure a de cruel et d’odieux y a trouvé son application ; d’abord la torture de la conscience, ensuite la torture matérielle, puis l’abjuration, et enfin pour comble, la pénitence.

Nous sommes complètement de l’avis de M. Berti, lorsqu’il nous dit qu’appliquée ou non la torture a été voulue et décrétée par le pape et qu’on ne doit lui savoir aucun gré, si Galilée ne l’a pas subie ; mais nous ne pouvons pas nous ranger à son opinion, lorsqu’il juge définitivement établi par les documents que cette épreuve terrible n’a pas eu lieu. Avouons d’abord que la constatation de ce fait en elle-même a une importance secondaire ; si l’épreuve a été omise, ce n’est là qu’un accident contraire à l’ordre et à la volonté expresse des autorités qui ont jugé et condamné Galilée. Ce qui est au contraire essentiel, c’est qu’on a non-seulement décrété de le torturer,