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à la nature et aux progrès de la pensée humaine. Cette histoire des théories esthétiques n’eût-elle fait que prouver et mettre en lumière ce résultat, celui-ci serait déjà très-grand et il n’y aurait qu’à féliciter son auteur de l’avoir entreprise. Mais nous n’en pouvons dire autant du but plus spécial qu’il poursuit, et cela résulte de nos critiques. La genèse qu’il nous promet ne se dégage ni assez nettement, ni suivant sa gradation véritable qui doit marquer à nos yeux tous les pas ou les degrés de la pensée. Le mode spécial selon lequel il prétend qu’elle s’accomplit ou s’élabore nous a paru sujet à de graves objections. Cette histoire de la science du beau dans ses phases successives ne nous a pas fait voir assez clairement, par la suite des théories et des systèmes, comment l’esprit humain est parvenu sur ce point à prendre possession de lui-même, de l’idée qui fait le fond de cette science et de son histoire : l’idée du beau et de l’art. Du moins il y aurait beaucoup à refaire et à ajouter dans cette œuvre pour que ce but fût atteint. L’auteur lui-même est forcé d’en convenir, puisqu’il sent la nécessité d’un nouveau système qui offre une notion plus adéquate de cette idée et qu’il croit que la définition elle-même est à trouver. En tout cas la gradation qu’il établit est trop systématique, trop contestable et trop arbitraire pour pouvoir être acceptée. La marche interne de la pensée ne s’y révèle pas assez ; ce qui a été une de nos plus graves objections.

Mais le second but, le but propre de cette histoire, comme l’auteur le déclare (p. 1130), c’est de trouver le point de vue le plus élevé pour construire un nouveau système ; et d’abord il veut trouver une base absolue non hypothétique. Y a-t-il réussi ? Nous ne le pensons pas davantage. À nos yeux, il fait de vains efforts pour l’établir. Nous ne le suivrons pas ici dans les raisonnements fort longs, souvent embarrassés et subtils, auxquels il se livre. Rien de plus fatigant à lire et à suivre que cette partie de son livre ; il ne nous épargne ni les répétitions, ni les digressions ; il revient à satiété sur les points antérieurs : 1° sur les conditions déjà énoncées d’une esthétique nouvelle ; 2° sur les vices et les défauts de la dialectique, envisagée au point de vue formel et substantiel, etc., 3° sur la nécessité de concilier les deux points de vue mis en relief dans toute cette histoire, le côté idéaliste et le côté réaliste. Mais lui, comment y parvient-il, ou croit-il y parvenir ? C’est toujours à la dialectique hégélienne, modifiée comme on l’a vu, qu’il demande le secret de cette union. L’idée immanente se reflète dans les trois modes intuition,réflexion, spéculation et leur pénétration réciproque. On a vu cette méthode à l’œuvre. C’est elle qui a construit la charpente entière de cette histoire et on sait à combien d’objections elle est sujette.