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delbœuf. — logique algorithmique

boles de deux[1] nombres, on obtient le symbole de leur somme.

On remarquera : 1° que sans le symbole écrit ou parlé, il ne peut être question d’addition, ni de règles de l’addition ; 2° que l’idée d’addition est empirique ; mais que le mot et ses congénères seront désormais employés en arithmétique dans un sens restreint et précis. Je puis, en me servant du langage vulgaire, dire qu’on a ajouté des noix aux raisins, mais en arithmétique ajouter ne se dira que des nombres ; 3° que tous les nombres, sauf le nombre un, peuvent être formés par addition. Le nombre un est donc un nombre qui n’est pas somme ; le nombre deux est la plus petite des sommes. L’idée de nombre s’est de nouveau développée : Tout nombre, sauf un, peut être considéré comme une somme.

La proposition 2 + 3 = 5 est donc un théorème susceptible de démonstration. Par définition on a : 5 = 1 + 1 + 1 + 1 + 1 ; 2 = 1 + 1 ; et 3 = 1 + 1 + 1[2] ; d’où 2 + 3 = 1 + 1 + 1 + 1 + 1 ; donc 2 + 3 = 5.

Voilà, sans contredit, un théorème bien simple, et cependant les trois principes logiques déduits précédemment y viennent jouer leur rôle ; car, pour énoncer que 2 + 3 = 5, j’ai recours au raisonnement ; je fais abstraction des différences qu’il y a entre 2 + 3 et 5, ces deux expressions n’étant identiques que sous un seul rapport ; et enfin j’admets que mes idées sont conformes aux choses, qu’elles sont les choses vues sous un certain aspect. Notons en passant que je n’ai nullement besoin du prétendu axiome que deux choses égales à une même troisième sont égales entre elles. Je substitue une expression à une autre, parce que j’ai dans la logique postulé ce droit (Voir troisième partie).

Un problème relatif à l’addition suscite l’idée de la soustraction, opération dite inverse. La soustraction peut fournir l’occasion de considérations intéressantes dont je dirai tantôt un mot. Pour le moment, faisons remarquer que tout nombre peut être considéré comme la différence de deux autres, et que, quand deux nombres sont égaux, leur différence est nulle. La soustraction donne ainsi naissance à un nouveau symbole, le zéro, correspondant à une nouvelle idée. Il ne faut pas confondre ce 0, avec le chiffre 0, qui figure dans la numération et qui sert uniquement à maintenir le rang. Ce chiffre, en effet, pourrait être représenté par une case vide, par exemple. C’est la soustraction seule qui éveille en nous l’idée de nullité, ou, comme on dit par pure extension de mots, l’idée d’un nombre

  1. Il faut dire deux et non plusieurs, car on ne réunit jamais que deux nombres à la fois.
  2. C’est ainsi en effet qu’il faut écrire, et non 3 = 2 + 1.