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James sully. — l’art et la psychologie

faire des déductions si hâtives. On accordera que l’art doit chercher à produire son effet de plaisir parfait, en tenant compte des instincts de sensibilité et des habitudes d’une époque qui se font remarquer par leur force et leur permanence relative. Tout en convenant que ce mélange de regrets tendres et d’aspirations vagues, auquel l’art moderne a si souvent recours, contient un élément de douleur à peine déguisé, nous dirons cependant que, si ces manières de sentir ne sont pas l’affectation d’une mode passagère ou d’une coterie insignifiante, mais des habitudes profondément enracinées dans l’esprit moderne, l’art ne nous donnera pas satisfaction à moins de prendre ces facteurs en considération. La solution de cette dernière recherche doit être clairement trouvée dans les vérités de l’évolution mentale fournies par l’histoire, par exemple dans l’influence exercée par l’intelligence progressive du monde et de ses lois, sur l’imagination et le sentiment, et dans la tendance de la réflexion, à mesure qu’elle se développe, à restreindre la gaîté naïve du monde ancien.

De cette manière donc, la connaissance de l’esprit humain, de ses lois invariables et de sa marche progressive, nous mettra à même de résoudre les questions d’art, qui autrement ne sembleraient susceptibles d’aucune réponse nette, et nous fournira une explication claire et objective des opinions qui, autrement, représenteraient uniquement les humeurs changeantes et capricieuses de la croyance individuelle.

Considérons maintenant la deuxième fonction importante de la psychologie dans le domaine des problèmes de l’art, je veux parler de l’élimination de ces recherches qui par leur nature ne peuvent conduire à aucun résultat pratique. Quand les jeunes gens commencent à avoir des opinions sur l’art, ils s’imaginent volontiers qu’il existe quelque règle bien simple, servant à déterminer une fois pour toutes la valeur relative de toutes les productions. L’empressement à prononcer d’un ton doctoral que telle manière est juste ou fausse, que tel artiste est supérieur à tel autre, dérive en partie d’une aspiration pas tout-à-fait blâmable à une croyance définie. C’est à la suite de longs et pénibles efforts intellectuels que nous arrivons à reconnaître les limites de certaines connaissances. Beaucoup de personnes qui ont vécu dans une longue familiarité avec l’art, ne perdent jamais cette impatience de savoir, et la critique courante nous offre maint exemple d’un empressement excessif à attacher quelque marque quantitative précise à toute œuvre et à tout artiste nouveaux. Le meilleur remède à cet amour exagéré d’une détermination quantitative dans les questions de l’art, est la science psychologique. Elle nous enseigne une fois pour toutes que la nature humaine est un