Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
318
revue philosophique

de l’intuition et de la pensée, il faut aussi admettre une harmonie préétablie entre la forme et la réalité.

Ce fait que l’homme distingue le bien du mal peut-il être expliqué par l’association des idées ? Telle est la question que M. Flint discute dans son article sur l’Association et l’origine des idées morales et qu’il résout par la négative. L’école associationiste a le tort de ne pas remarquer que l’association est un fait qui a lui-même besoin d’explication, un processus qui implique un sujet, des facultés, des conditions et des éléments constituants. « L’association des idées présuppose un esprit qui possède des idées et la faculté de les associer. » — Après avoir discuté d’une manière générale la thèse de l’associationisme, l’auteur l’examine en ce qui concerne la théorie des idées morales. On admet comme fin primitive le bonheur et comme moyen la vertu, et l’on suppose que, par une association indissoluble, le moyen est devenu lui-même une fin. C’est une hypothèse gratuite : en ce cas, une seule chose pourrait se produire ; la disparition du moyen, mais non sa métamorphose en une fin.

M. F. Pollock, dans un article consacré à l’Évolution et la Morale, examine certains points du livre de M. Sidgwick dont il a été question dans les précédents numéros. L’auteur s’appuie principalement sur le livre posthume de Grote, Fragments on ethical subjects. Tout en soutenant que les principales questions de la morale ne sont pas encore assez mûres pour être résolues, l’auteur professe cette doctrine : que l’homme n’est moral, que parce qu’il doit vivre en société ; que s’il n’y avait pas de société, il n’y aurait pas d’éthique ; que le mot même mores ou ἦθος ; dénote des formes de sentiments qui ne peuvent exister en dehors des relations sociales ; qu’un individu isolé aurait des besoins ou des habitudes, mais point de règles ni de coutumes, — M. Pollock soutient la doctrine de l’utilité générale. Il se demande en terminant, si la doctrine de l’évolution est appelée, comme on le soutient, à réconcilier la morale intuitive avec les écoles utilitaires, et il élève des doutes à ce sujet.

Du sens originel des termes collectifs et abstraits. Sous ce titre le prof. Max Mueller s’attache à combattre la théorie soutenue par Stuart Mill : la matière n’est qu’une possibilité permanente de sensation ; l’esprit, une possibilité permanente du sentiment. Mill, dit Max-Mueller, a surtout voulu écarter par ces locutions toute idée de substance, de chose en soi. C’est ainsi qu’il appelle ailleurs l’esprit une série d’états de conscience, ce que M. Taine (De l’Intelligence, I, 378) soutient également. Cette école obéit aux mêmes tendances, en proscrivant impitoyablement le terme faculté, qu’elle veut rayer de la psychologie. — Mais l’étymologie nous apprend que facultas dérive d’une racine qui veut dire faire, agir. Au premier abord, il n’y a rien là qui ressemble à une série, à une succession. Cependant la terminaison tas (té, ty, etc., suivant les langues) en grec της, en sanscrit tâti, paraît, d’après l’étymo-