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ch. bénard. — l’esthétique de max schasler

M. Schasler ne l’a pas évité ; sa manière d’entendre le principe d’imitation beaucoup trop précise, à elle seule, en fournirait l’exemple. À quoi bon aussi ce long commentaire sur la κάθαρσις ? Est-ce parce qu’elle a fourni toute une bibliothèque ? raison de plus pour être bref. Ce que l’auteur ajoute n’apprend rien que ce qu’il en pense à son tour. Tout cela sans doute est ingénieux, fort savant. On trouvera instruction et intérêt à lire toute cette partie du livre, mais c’est une dissertation introduite dans une histoire, non un chapitre d’histoire. Le résumé, placé ailleurs, de la doctrine d’Aristote et de son école, ne la rend pas plus claire et ne peut remédier à ce défaut.

Plotin et les Alexandrins, qui forment le troisième degré de la période ancienne, offrent moins de prise à la critique. La théorie de Plotin sur le beau, ce qui la distingue de celle de Platon et constitue sur elle un progrès réel, sa manière nouvelle d’envisager l’art, sont bien marqués et appréciés. L’auteur a su se borner ici aux généralités que son sujet ne lui permettait pas de dépasser. On pourrait seulement lui contester ses formules que comme historien, à notre avis, il aurait dû éviter. Cette terminologie hégélienne de l’idée absolue, se déterminant elle-même, son retour à elle-même, sa manifestation à elle-même, etc. (p. 234 et suiv.), appliquée à la philosophie alexandrine, est-elle bien exacte et propre à nous la faire connaître ? Cette manière dogmatique de traiter l’histoire a plus d’un inconvénient bien des fois signalé. Nous ne voulons pas y insister.

La décadence qui suit et qui marque la fin de cette période dans les deux Philostrate, dans Longin, saint Augustin, etc., est bien indiquée. Avec elle finit l’esthétique ancienne.


V


Cette histoire offre une énorme lacune. La science du beau et de l’art subit au moyen-âge une éclipse totale ; celle-ci non-seulement se prolonge pendant tout le temps de la Scolastique, mais elle dure plus de deux siècles encore après elle. Quand les autres sciences que l’antiquité avait cultivées reparaissent, celle-là seule n’est pas évoquée ; il n’y a pas pour elle de renaissance. Le xviie siècle lui-même la laisse tout à fait dans l’oubli. Aucun des grands esprits qui ouvrent à la pensée moderne une carrière si vaste ne fait attention à elle, ni Bacon, ni Descartes, ni Spinoza, ni Malebranche, ni Leibniz. Ce n’est qu’aux premières années du xviiie siècle qu’elle commence à jeter quelques faibles lueurs dans les pâles écrits de quelques auteurs médiocres, Crouzas, le P. André, Batteux, Dubos. Plus tard le génie