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et à la bonté qui ont choisi cette disposition à l’exclusion de toute autre : — n’est-il pas évident qu’en abordant cette explication téléologique, il quitte le terrain de l’expérience pour entrer dans une région où toutes les données sensibles, toutes les inductions vérifiables s’évanouissent ? Ses conjectures peuvent sur ce point être absolument vraies ou absurdement fausses ; nulle possibilité de vérifier si elles sont exactes ou erronées. S’il ne les regarde que comme des représentations subjectives ayant pour objet de donner satisfaction à ses propres sentiments, nous n’avons rien à objecter. Mais s’il les regarde comme faisant à quelque degré partie de la science astronomique et s’il permet à quelques déductions, tirées de ces conjectures, d’altérer les données positives, ou de modifier, d’une manière ou de l’autre, la marche de l’esprit dans ses investigations astronomiques, il viole le premier principe de la méthode en laissant le métempirique contrôler l’empirique, l’inconnaissable défigurer le connu. »

Le caractère essentiel du métempirique, c’est donc d*être absolument invérifiable par l’expérience ou par les généralisations qui en sont légitimement déduites. On voit aussi que pour M. Lewes, toute question peut être envisagée sous ces trois aspects : positif, spéculatif, métempirique, et que le dernier n’a rien à faire avec la science.

Dégager dans tout problème l’élément métempirique, qui est l’inconnaissable pur ; séparer la cause de la métaphysique de celle du métempirisme avec lequel on l’a presque toujours confondue, confusion qui explique le discrédit où elle est aujourd’hui tombée ; tracer enfin les règles qui permettent de constituer scientifiquement la métaphysique, désormais étroitement rattachée aux sciences positives dont elle généralise les généralisations immédiates : voilà la tâche importante et nouvelle que s’est proposée M. Lewes ; voilà le service éminent qu’il se flatte, sans modestie affectée, d’avoir rendu à la philosophie.

Nous sommes loin de méconnaître l’originalité très-réelle de quelques-uns de ses aperçus ; nous sommes surtout frappé de la netteté et de la décision de sa pensée en ces obscures questions : c’est là une manière, et non la plus mauvaise, d’être original ; nous ne croyons pourtant pas que M. Lewes modifie notablement l’empirisme traditionnel, et nous nous permettons encore de douter qu’il ait relevé de la métaphysique autre chose que le nom.

Nous ne voyons pas, en effet, que sa doctrine diffère ici beaucoup de celle de Locke ; pour lui, comme pour le père du sensualisme moderne, la sensation est l’unique source de la connaissance ; comme Locke, il reconnaît des procédés logiques de l’entendement