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ch. bénard. — l’esthétique de max schasler

autres écoles qui appartiennent au réalisme (Schopenhauer, Herbart, etc.), forment la troisième période.

Telle est la division générale. Dans ces trois époques se reflètent les trois termes du mouvement ternaire qui se reproduisent au sein de chacune d’elles. Ils servent à marquer les subdivisions. Ainsi, dans l’antiquité Platon représente surtout l’intuition ; Aristote la réflexion ; Plotin la spéculation. Il en est de même de l’esthétique moderne, dans ses deux périodes principales. La même gradation s’y retrouve. Ainsi l’observation sensible, c’est-à-dire l’intuition, est le caractère dominant des écrits de Baumgarten et de ses successeurs. Kant et son école nous offrent des œuvres dues à la réflexion surtout et au raisonnement. Ce qui vient après marque l’ère de la spéculation. L’idéalisme de Fichte, de Schelling, de Hegel, représentent la pensée spéculative. Le tout est clos par l’école réaliste à laquelle appartiennent Schopenhauer et Herbart, leurs disciples ou adhérents.

Voilà le cadre et les compartiments où doivent se mouvoir tous les systèmes. C’est ainsi que vont se grouper et se coordonner toutes les productions et les monuments de cette histoire. Est-il besoin de faire remarquer combien tout cela est arbitraire et artificiel ? L’auteur qui reproche si sévèrement à ses devanciers d’avoir sacrifié au formalisme, au mécanisme, au schématisme, etc., y est-il lui-même étranger ? Lui qui blâme les autres d’avoir abusé de la méthode a priori, de n’avoir pas consulté l’expérience et d’avoir fait violence aux faits, n’est-il pas ici tombé visiblement dans le même défaut ? Peut-on espérer de voir de là sortir une véritable histoire ? Ainsi tous les systèmes vont défiler sous nos yeux dans l’ordre qui leur est assigné, avec ces étiquettes sur le dos, chacun obligé de répondre à l’appel qui lui sera fait, de justifier le caractère que la théorie lui a imposé et auquel il doit répondre. Il sera jugé d’après ce caractère, déclaré essentiel, qu’il le soit ou non, qu’il en ait d’autres ou qu’il n’en ait pas. L’auteur croit échapper à l’objection en disant que chaque terme se reflète dans les autres, et qu’ils se pénètrent réciproquement. L’antiquité est bien l’intuition ; mais il y a aussi chez elle de la réflexion et même de la spéculation. Il y en a dans Platon, dans Aristote et dans Plotin. Cette manière subtile de se tirer d’affaire, le met, il est vrai, plus à l’aise ; mais qui ne voit le péril ? Elle lui permet de changer et d’intervertir à son gré les rôles. Quand on passe aux modernes, la confusion surtout est inévitable. Nous n’avons pas besoin d’insister ni de démontrer ce qui ne résiste pas à un examen sérieux. Cette méthode admise, encore faut-il qu’elle réponde à ses propres exigences. Or, sa prétention et son but est de reproduire la marche interne des choses,