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analyses. — desdouits. La Philosophie de Kant.

nomène et sa cause… etc. » Pour être fidèle au texte et à la pensée de Kant, il aurait fallu se borner à dire que les intuitions pures de la sensibilité sont une des conditions (eines von dem erforderlichen Stücken. Kr. d. r. Vern. p. 80) de la possibilité des jugements synthétiques à priori : les catégories de l’entendement forment la seconde et non la moins essentielle. Nous insistons sur ce point, parce que le sens de la doctrine du schématisme est faussé par cette interprétation. « Comme sans le schème il est impossible, selon Kant, de subsumer les intuitions aux catégories, et par conséquent de porter aucun jugement, il en résulte que l’entendement est dans la dépendance de l’imagination et lui emprunte ses titres de légitimité… (p. 72). Je ne vois nulle part, dans le chapitre très-court et très-net du schématisme, que l’entendement emprunte à l’imagination ses titres de légitimité. Le schème est un produit à la fois de la sensibilité pure et de l’entendement : l’imagination productrice, l’imagination pure à priori (die reine Einbildungskraft a priori), à laquelle Kant le rapporte, loin de faire la loi à l’entendement, n’est, sous un autre nom, que l’application de l’entendement aux données de la sensibilité pure.

La théorie des catégories de la relation nous parait encore plus légèrement traitée. M. Desdouits trouve que « Kant fait lui-même une objection grave, ou plutôt absolument péremptoire, à sa doctrine de la causalité. Comment la causalité peut-elle consister dans un rapport de temps, dans une détermination de ce qui suit par ce qui précède, puisque souvent la cause et l’effet sont simultanés et non successifs ? » (P. 85.) C’est en vain, selon notre auteur, que Kant essaierait de résoudre la difficulté, en distinguant l’ordre du temps (Zeitordnung) d’avec le cours du temps (Zeitablauf). Nous avouons ne pas voir la contradiction, qui suffirait à ruiner la doctrine de Kant sur la causalité. Sans doute, l’action de la cause continue tant que dure l’effet ; et, en ce sens, les deux se produisent simultanément. Mais il suffit que de deux phénomènes, l’un soit toujours accompagné de l’autre, tandis que la réciproque n’est pas vraie, pour qu’on sache distinguer sûrement la cause de l’effet par un rapport de succession si instantané qu’on le voudra : ainsi, du creux formé par une boule posée sur un coussin, pour rappeler l’exemple de Kant. — La réfutation de l’idéalisme, qui accompagne la théorie des postulats de la pensée empirique dans la 2e  édition, ne nous paraît pas mieux entendue. Selon Kant, l’existence du moi suppose celle de la matière, parce que la réalité du moi empirique, comme toute autre réalité, ne peut être constatée qu’autant qu’il occupe une place déterminée dans le temps ; et qu’une telle détermination n’est possible, en vertu des analogies de l’expérience, qu’autant qu’on admet l’existence d’un phénomène permanent, d’une substance, de la matière par conséquent. M. Desdouits traduit ainsi, p. 89, la pensée de Kant : « Les modifications successives du moi sont des représentations ; et. pour qu’il y ait représentation, il faut que quelque chose soit représenté. » Mais il resterait encore à savoir si nos représentations correspondent à un objet réel ou sont