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analyses. — desdouits. La Philosophie de Kant.

commencement du siècle jusque aujourd’hui est inintelligible à quiconque n’a pas pénétré dans les profondeurs de la philosophie critique.

C’est sans doute ce qu’entendait très-bien l’Académie des sciences morales, lorsqu’elle plaçait, il y a déjà plusieurs années, et maintenait sur le programme de ses concours, malgré l’insuccès de ses premiers appels ; l’examen de la philosophie de Kant. Nous devons à cette préoccupation le livre dont nous avons à rendre compte.

L’ouvrage de M. Desdouits se divise en quatre parties d’étendue très-inégale, consacrées successivement à l’exposition, à la discussion du système critique, à l’examen de l’influence qu’il a exercée, et des jugements dont il a été l’objet en Allemagne, enfin à un essai d’appréciation, sous forme de conclusion, du rôle et de la valeur définitive de cette philosophie.

L’exposé du système, à lui seul, occupe plus de la moitié du livre : nous aurions préféré un partage différent. Nous ne voyons pas, en effet, ce que l’analyse nouvelle ajoute aux analyses plus étendues encore et d’ailleurs si scrupuleusement exactes que M. Barni a données des trois critiques. M. Desdouits a voulu néanmoins simplifier, à son tour, et rendre plus accessible au lecteur français, le sens parfois si obscur des théories critiques : et nous lui rendons avec plaisir cet hommage qu’il y a souvent réussi, surtout pour la critique de la Raison pratique et celle du Jugement.

Mais il ne faut point, par amour pour la clarté, s’interdire d’entrer dans les complications et les profondeurs de la philosophie de Kant ; et nous trouvons que M. Desdouits a trop simplifié en certains endroits les idées de son auteur.

Nous lui ferons encore une autre observation d’ensemble. M. Desdouits a cru devoir, dans la re1 partie, mêler souvent la critique à l’exposition sous forme de notes ou de réflexions rapides, qu’accompagnent d’ordinaire et que mettent en relief des points d’exclamation ou d’interrogation. Ces notes au bas des pages ne nous paraissent bonnes qu’à fatiguer et à rebuter le lecteur, qui se trouve à chaque instant détourné des idées de Kant, et ramené violemment en quelque sorte aux conceptions d’une philosophie toute différente. Ajoutez que la plupart de ces critiques seront reprises et développées, et, à vrai dire, ne deviendront intelligibles que par les discussions de la 2e  partie du livre. Il semble que M. Desdouits ne puisse sans effroi regarder lui-même en face ou laisser envisager aux autres les nouveautés et les audaces de la philosophie critique. Il s’arrête à tout moment, comme pour faire entendre un cri d’alarme ou d’avertissement ; ou bien encore, devant chacun dé ces précipices, le long desquels il promène comme en tremblant son lecteur, il dresse à la hâte des garde-fous, avant de lui permettre de s’arrêter. On comprend qu’une telle disposition d’esprit n’est pas faite pour assurer l’impartialité nécessaire à l’examen des idées ; et que même le respect dû à un nom illustre et à une grande doctrine ont parfois à souffrir d’exclamations comme les suivantes, que le danger