Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
revue philosophique

que le nombre des séries convergentes s’accroisse, que l’hétérogénéité des termes qui les composent augmente, que leur commune coïncidence ne soit plus un cas isolé mais régulier et constant, et nous sommes en présence d’un fait nouveau, qui, comme tout phénomène, doit avoir une cause. Suffit-il alors, pour expliquer le résultat, d’en répartir la production entre les divers antécédents qui y concourent, ou ne faut-il pas l’attribuer en outre à une causalité distincte de la causalité mécanique ? Parfois, le premier mode d’explication semble suffire ; mais souvent aussi l’explication mécanique est manifestement insuffisante. Si nous considérons une machine, elle est doublement déterminée, d’une part, du côté du passé, par son rapport avec les causes efficientes, et d’autre part, du côté de l’avenir, par son rapport avec la fin à laquelle elle est destinée. Toute combinaison naturelle est aussi déterminée du côté du passé par son rapport avec un système de causes efficientes, et à ce titre, elle doit recevoir une explication mécanique ; mais si elle est en même temps déterminée à un phénomène futur plus ou moins éloigné « le principe de causalité exige que nous expliquions non-seulement la complexité de la combinaison, mais encore ce rapport à un effet futur, qui, entre une infinité de combinaisons possibles, semble avoir circonscrit l’acte de la cause efficace, et l’avoir déterminé à telle forme donnée. Cette corrélation à l’avenir ne peut se comprendre que si ce phénomène futur préexiste déjà d’une certaine façon dans la cause efficiente et en dirige l’action. » Ainsi nous sommes amenés à reconnaître, dans certains cas, la nécessité d’une explication complémentaire de l’explication mécanique, et à poser comme signe de la finalité « la concordance du présent avec le futur, la détermination de l’un par l’autre. »

La méthode pour résoudre la première question impliquée dans le problème général de la finalité consiste donc, suivant M. Janet, à prendre un point fixe dans l’expérience, et à le considérer d’abord comme un résultat, puis à se demander si ce résultat qui a un rapport déterminé avec l’avenir, peut s’expliquer dans l’hypothèse où il n’est pas en même temps considéré comme un but. L’analyse des faits et en particulier des phénomènes de la nature organique, fonctions et instincts, prouve que le mécanisme brut forcé de recourir à des circonstances heureuses, à des rencontres favorables, à des coïncidences imprévues, dont le nombre doit croître à l’infini, à mesure que s’accroissent la complexité et l’hétérogénéité des éléments ramassés en un même système, est condamné à rapporter au hasard, c’est-à-dire à une non-cause, ce dont l’existence réclame nécessairement une cause.

Mais le principe de causalité ne suffit pas à établir le principe de, la finalité. Certains phénomènes sont déterminés par rapport au futur ; ce rapport est un fait qui requiert explication. Le principe de causalité ne va pas jusqu’à nous révéler la nature de l’explication dont il démontre la nécessité ; autrement cette explication serait mécanique. C’est alors qu’intervient l’analogie. Nous expliquons tout accord de