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nolen. — variétés.

causalité ou les règles du mécanisme ne font que ramener les phénomènes à la « quantité, » aux mathématiques, c’est-à-dire à des rapports de position ou de mouvement dans l’espace. — Mais le mécanisme ne suffit pas à se justifier lui-même ; Leibniz disait : fons mechanismi a metaphysico fonte fluere putandus est. — Le mécanisme ne rend pas compte de la « qualité, » ou de la sensation, cet autre élément essentiel de la réalité : « car nos sensations sont le vrai contenu du monde. » — La conscience n’échappe pas moins aux explications du mécanisme. Il considère la réalité comme quelque chose d’extérieur, oubliant qu’elle ne nous est tout d’abord et immédiatement connue que comme une succession de sensations dans notre conscience. Partant ainsi du dehors, il ne sait plus comment retrouver le dedans, la conscience, la sensation, la pensée. Le mécanisme méconnaît encore que les « formes, » c’est-à-dire le général, l’idée selon Platon, la notion pour Hegel, sont partout présentes à la réalité : aux phénomènes matériels comme lois physiques, aux individus comme types spécifiques, génériques. — Enfin le monde n’est pas une simple collection d’objets juxtaposés dans l’espace ou de faits se succédant dans le temps, sans autre lien que la liaison tout extérieure de la causalité. Une unité plus intime, une corrélation véritablement organique unit entre eux les éléments de la réalité phénoménale. Ce qui est contient le germe et la raison de ce qui doit être ; et dépend, à son tour, de tout ce qui a précédé. Les choses sont, en un mot, réciproquement fins et moyens les unes des autres. C’est dire que la finalité peut seule rendre compte de la place et de l’action réciproque des parties dans le grand tout. — Mais cette finalité n’est pas nécessairement associée à la conscience : « ist nicht als ein Wissen nehmen. » — Observons, en finissant, que pour M. Lasson comme pour Kant, la finalité aussi bien que la causalité est un principe a priori, une loi de la pensée, indépendante des données de l’expérience.

M. Lasson a l’occasion de reprendre les mêmes idées, en défendant, à la suite de Michelet, la doctrine de Hegel contre les critiques de Frederichs et de Kirchmann.


Prof. Michelet : Du réalisme idéal (Ueber Idealrealismus).

Dans une étude intitulée du Réalisme idéal, Michelet entreprend de montrer comment le système de Hegel peut se concilier avec les exigences des sciences de la nature ; et comment l’idéalisme n’est rien moins que le contraire du réalisme. — Dans un exposé très-rapide, mais aussi très-superficiel, et très-contestable, Michelet essaie de prouver que l’histoire des doctrines philosophiques depuis l’antiquité jusqu’à nos jours n’est qu’une démonstration incessamment renouvelée de cette vérité, que l’idéal et le réel, le genre et l’individu sont identiques, et ne représentent qu’un seul et même être, vu sous deux aspects différents,