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Paul REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE

Pravahana lui donne satisfaction, et sa leçon forme l’objet de la suite du chapitre.

Ces détails anecdotiques, qui intéressent autant l’histoire politique et sociale que l’histoire philosophique et religieuse de l’Inde ancienne, ne figurent pas, nécessairement, dans les passages où l’Upanishad invoque ou explique un texte emprunté aux Vedas ou aux Brâhmanas. Le morceau que je vais citer (1. 3, 28), fournira un exemple de la façon dont ces documents sont employés dans la Brih. Âr. Up.

« Il faut (dans une certaine cérémonie dont il vient d’être question) prononcer à voix basse les paroles suivantes empruntées aux Vedas : — « Fais-moi passer de ce qui n’est pas (ou du non-être) dans ce qui est (ou l’être), fais-moi passer des ténèbres dans la lumière, fais-moi passer de la mort dans l’immortel (l’immortalité), » Quand on dit, « fais-moi passer de ce qui n’est pas dans ce qui est, » ce qui n’est pas est la mort, ce qui est, est l’immortel ; c’est-à-dire, « conduis-moi de la mort dans l’immortel, rends-moi immortel. » Quand on dit « conduis-moi des ténèbres dans la lumière, » les ténèbres sont la mort, la lumière est l’immortel ; c’est-à-dire « conduis-moi de la mort dans l’immortel, rends-moi immortel. » Quand on dit « conduis-moi de la mort dans l’immortel, » il n’y a pour ainsi dire rien de caché (le sens est clair)[1] ».

D’autres fois, comme au livre 3, chapitre 4, versets 11 et suivants, les citations ont lieu sans commentaire et afin seulement d’appuyer une théorie qui vient d’être exposée.

Des preuves tirées de l’observation et de l’expérience se rencontrent assez fréquemment dans la Brih. Âr. Up., mais il est très-remarquable qu’en pareilles circonstances, les faits d’expérience sont toujours présentés comme les conséquences des assertions qu’ils confirment, et non pas comme la base des principes dont ces assertions sont inférées. C’est ce que feront voir les différents textes que je vais rapporter et traduire.

1. 4, 1. — « Au commencement, cet (univers) était l’âme (ou le moi) ; elle avait la forme humaine. Ayant regardé autour d’elle, elle ne vit pas autre chose qu’elle-même (ou l’âme, le moi). Elle dit d’abord « je suis celle-ci ; » de là fut produit le mot « je. » C’est pour cela qu’aujourd’hui encore, quand on est interpellé, on dit d’abord

  1. Sa… etâni japet asato mâ sad gamaya tamaso mâ jyotir gamaya mrtyor mâmrtam gamayeti sa yadâhâsato mâ sad gamayeti mrtyur vâ asat sad amrtam mrtyor màmrtam gamayâmrtam mâ kurvity evaitad âha tamaso mâ jyotir gamayeti mrtyur vai tamo jyotir amrtam mrtyor mâmrtam gamayâmrtam mâ kurvity evaitad âha mrtyor mâmrtam gamayeti nâtra tirohitam ivâsti.